Cinéma/France

17e Festival du Cinéma brésilien de Paris

Le Festival du Cinéma Brésilien de Paris ouvre sa 17ème édition. Une nouvelle fois, ce rendez-vous organisé par l’association Jangada mêle films de fiction et documentaires, œuvres récentes encore inédites et classiques du patrimoine. Le fait que quelques films musicaux soient programmés nous incite bien sûr à évoquer la manifestation mais, en vérité, c’est surtout la perspective de découvrir certains longs-métrages représentatifs du nouveau cinéma brésilien qui éveille notre curiosité…

17 FCBdP

Comme chaque année, la musique occupe une place de choix dans la programmation. L’édition 2015 rend ainsi un bel hommage à Maria Bethânia à l’occasion de ses cinquante ans de carrière. On la retrouvera à ses débuts dans Tout près de Bethânia (Bethânia Bem de Perto), film en noir et blanc de 1966 de Júlio Bressane, grande figure du cinema marginal, et Eduardo Escorel. Un film où la jeune artiste exerce une telle fascination qu’il se compose pour l’essentiel de gros plans sur son visage. Puis, dans le film de Jom Tob Azulay, en compagnie de ses chers Caetano, Gil et Gal à l’époque de la tournée Os Doces Bárbaros, en 1976. Un épisode culte de leur carrière déjà évoqué ici. Enfin, on découvrira la Maria Bethânia d’aujourd’hui, depuis toujours grande lectrice poésie, qui donne voix à Fernando Pessoa dans Le Vent au-dehors (O Vento Lá Fora).

Œil Nu (Olho Nu), le portrait de Ney Matogrosso réalisé en 2014 par Joel Pizzini est lui aussi un bel hommage à un artiste unique. On l’y entend déclarer : « j’ai eu une grande chance dans la vie : être fils de militaire. Ce qui a d’emblée fait de moi un transgresseur » ! Le film sera projeté dimanche 12  avril et présenté par le réalisateur lui-même.

Enfin, le samba sera à l’honneur : à travers ses grandes figures féminines dans Damas do Samba, ainsi que par le biais d’une comparaison Samba & Jazz : Rio de Janeiro – New Orleans, un film de Jefferson Mello. Une approche comparative entre ces deux villes avaient déjà été faite part le sociologue Roberto da Matta pour montrer combien le Carnaval, s’il est un temps fort autant à Rio qu’à la Nouvelle-Orléans, n’y est pas du tout vécu socialement de la même façon.

Même la fiction accordera sa place à la musique avec les projections de deux biopics. Projeté pour la cérémonie d’ouverture, Trinta est un portrait de Joãsinho Trinta, un carnavalesco qui contribua dans les années soixante-dix à donner toute sa superbe au Carnaval de Rio en concevant chars et costumes. Entraînant celui-ci dans une débauche de strass et de paillettes qui faisait, par exemple, regretter au grand Candeia que le Carnaval désormais échappe aux authentiques sambistes pour être dirigés par ce business carnavalesque ! Mais ça, évidemment, le biopic n’en touchera probablement pas goutte, trop occupé à passer sa pommade hagiographique…

Présenté en compétition, Tim Maia, déjà évoqué ici, n’échappe pas, pour les quelques extraits que j’en ai vu (soyons honnête), aux écueils du genre : à savoir une reconstitution soignée (décor et costumes) qui prend le pas sur le fond et une illustration trop au pied de la lettre de la vie d’un grand artiste d’une folle démesure. Le genre vaut, en général, par la performance de l’acteur et d’un sens du mimétisme qui est aussi un numéro de grand écart : je m’efface pour mieux me faire remarquer. Ici, on attendra de voir le film pour en juger mais Tim Maia est interprété par deux acteurs différents qui semblent moyennement ressemblants… Par ailleurs, le film adapté de la comédie musicale Vale Tudo, elle-même inspirée de la biographie de Nelson Motta, n’a pas échappé à la polémique : dans sa version longue diffusée à la télévision, il fut jugé regrettable que l’épisode où, de tout son mépris, Roberto Carlos lui jette quelques billets froissés à la figure en guise de soutien, ait été censuré.

Plus que les biopics, les temps forts du festival sont à chercher du côté quelques films que l’on espère découvrir prochainement sur les écrans français : Casa Grande de Fellipe Barbosa et Une Seconde Mère d’Anna Muylaert, voire Vents d’août (Ventos de agosto) de Gabriel Mascaro.

Présenté hors-compétition et projeté lors de la soirée de clôture, Une Seconde Mère (Que Horas Ela Volta ?) d’Anna Muylaert vient d’obtenir le Grand Prix (à l’unanimité) du Festival 2 Valenciennes. Le film devrait sortir en France au mois de juin. Le sujet est intéressant : « domestique au sein d’une famille de São Paulo, Val a dû laisser sa fille Jessica dans sa région natale du Nordeste depuis 13 ans pour s’occuper de Fabinho, le fils de ses employeurs. Quand Jessica la rejoint pour tenter d’entrer dans une bonne université, des tensions naissent au sein de la famille et les barrières de classe se révèlent« . Reste à voir comment il est traité… Qu’il soit produit par la Globo laisse craindre une morale consensuelle qui ne reflète pas les réelles tensions sociales du Brésil…

La véritable attraction de ce festival est, pour ma curiosité personnelle, Casa Grande, le film de Fellipe Barbosa. Egalement projeté par la Cinémathèque à l’occasion de sa grande rétrospective sur le cinéma brésilien.

C’est Kleber Mendonça Filho, réalisateur des Bruits de Recife et de Recife Frio, qui a attiré mon attention sur le film en l’évoquant récemment dans Libération : « c’est peut-être la première fois dans l’histoire du cinéma brésilien qu’un cinéaste s’attaque à ses origines riches et bourgeoises, sa propre famille. Alors que le Cinema Novo nous a légué une tradition d’évocation des marges de la société, le réalisateur y parle directement de son expérience de gosse de riche et a même tourné dans sa maison familiale, ce qui en fait un cas inédit dans notre cinéma de critique de la grande bourgeoisie brésilienne. Bien sûr, les films commerciaux se déroulent dans le même genre d’environnement, mais ils semblent toujours être très fiers de cette opulence dans laquelle ils se sont faits et où résident leurs personnages. Dans Casa Grande, c’est une chronique personnelle du délitement de cette famille dont le patriarche dissimule que la faillite est proche. Le personnage du fils découvre alors peu à peu un monde alentours dont on ne peut plus le protéger. C’est un film beaucoup plus classique que Doce Amianto, mais Casa Grande non plus ne ressemble à rien de ce qu’il paraissait possible de faire ici il y a encore quinze ans. Il a beaucoup de charme, de subtilité et juste ce qu’il faut d’acidité pour montrer sans tout gâcher combien la société de ce pays est folle, raciste. Tout cela sans rien claironner. Il doit sortir en salles dans quelques semaines, et je suis curieux de voir ce qui va se passer pour lui : ici, d’habitude, si un film est bon et exprime une critique intelligente, le public le fuit. Seule une approche stupide et falsifiée de la vie au Brésil permet à un film de prétendre au succès commercial« .

Il est délicat de parler de films que l’on n’a pas vu. Le moindre commentaire peut ressembler à des préjugés alors que la seule vocation de cet article est de faire partager une curiosité et donner envie au lecteur parisien de se rendre au cinéma L’Arlequin… Et vu que je ne connais pas les films, au moins je ne spoile rien !

Le programme complet des projections :

Festival du Cinéma Brésilien de Paris (7 au 14 avril) au cinéma L’Arlequin (75006)

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