Ao Vivo/Bahia

Impressions du Carnaval de Salvador (4) : la folie BaianaSystem

BaianaSystem se produisait tous les soirs pendant le dernier Carnaval de Salvador. Après avoir attendu depuis 2011, pour les voir en live, j’ai été servi.

Le premier soir, vendredi 24 février, le Navio Pirata, le trio elétrico du groupe, défilait sur le circuit Osmar, entre Campo Grande et Praça Castro Alves. Un temps fort de cette édition 2017 du Carnaval. BaianaSystem a mis le feu au poudre. En arrivant où se trouve les loges des politiques et les caméras de télévision, là où les musiciens ont coutume de saluer et remercier tout le monde, Russo Passapusso sur le trio a commencé à hurler « Golpistas, fascistas, racistas ! Não passarão ! Fora Temer !« . Repris en choeur par des milliers de personnes. Quand on est là, au milieu de cette foule, difficile de ne pas en avoir des frissons. Ces images ont été reprises et diffusées sur les réseaux sociaux et tout le Brésil en a parlé.

Le lendemain matin, « Beto » Barreto nous recevait chez lui et il savait déjà que les répercussions étaient énormes. Dans l’après-midi, le Conselho Municipal do Carnaval de Salvador (Comcar) a menacé le groupe d’être exclu de l’édition 2018 pour manquement à l’éthique ! Le Carnaval n’est pas le lieu pour exprimer ses opinions politiques ! Une vaste blague. Aux dernières nouvelles, la menace ne sera pas mise à exécution, bien sûr. Et heureusement BaianaSystem n’a pas été seul, « Fora Temer » a sans conteste été le refrain le plus chanté de ce carnaval. Si ça défoule, ça ne suffit pas encore à empêcher le gouvernement « golpiste » de détruire tous les acquis sociaux. Dernier exemple : il faudra désormais cotiser quarante-neuf ans pour bénéficier d’une retraite à taux plein !

Après avoir raté leur concert dans le Pelourinho pour avoir suivi la sortie de Ilê Aiyê dans leur quartier de Liberdade le samedi soir, je retrouvais BaianaSystem le dimanche en fin d’après-midi. à « pôr do sol », à la tombée du jour, pour leur concert Praça Castro Alves où leur Navio Pirata était arrêté. Formidable concert encore une fois. Comme la veille, leur « parrain » BNegão était invité. On l’a assez peu entendu, à part deux ou trois titres, dont cette « Dança do Patinho » qui date de son premier album, mais il semblait aux anges de voir une telle ambiance autour de lui. Plus tard dans la soirée, il partageait la scène du Pelourinho avec Liniker, As Bahias e a Cozinha Mineira et Larissa Luz et il était impressionnant !

La place Castro Alves était noire de monde et, comme pour chacune des apparitions de BaianaSystem cette année, il y avait au moins 80 000 personnes ! Quel que soit le contexte, Russo Passapusso est impressionnant. Il n’est pas qu’un MC au flow hypnotique, il est celui qui va capter et canaliser les énergies, dicter le tempo en parfaite syntonie avec les musiciens. On retrouve sa culture des sound-systems dans sa façon de répéter au gré de la soirée des motifs courts, véritables refrains repris par tout le public. Il ne faiblit pas un instant et tel un fluide passe des hurlements aux échanges avec le public sans temps morts. Ce soir, place Castro Alves, il a ainsi établi une longue communication avec les enfants installés sur l’estrade des pompiers. Le photographe Antonello Veneri a réalisé un magnifique reportage pour Noisey qui donne une idée de la folie de ce concert. Ci-dessous, ma photo préférée…

Après avoir fait le circuit Dodô entre Barra et Ondina le lundi soir, Mardi Gras, dernier soir du Carnaval, BaianaSystem se présente une dernière fois. Sur la scène installée au pied du Farol da Barra, le phare de Barra. Alors qu’Emicida y jouait devant un public clairsemé quelques jours plus tôt, la place est cette fois noire de monde. Russo y rend un bel hommage aux « invisibles », tous ces Baianonymous, qui font vivre le carnaval par leur travail de misère. Ce soir, il demande aux vendeurs de bières de brandir leurs grosses glacières jaunes ! La surprise du jour, après que Russo ait expliqué qu’il avait acheté le vinyle d’occasion Praça da Sé,  c’était de les voir inviter Antônio Carlos (sans Jocafi) pour interpréter en duo « Você abusou » ! Une ballade qui s’intercale entre les tubes furieux du groupe où la foule se déchaîne en un gigantesque pogo !

Il y a vingt ans, faire le Carnaval de Salvador aurait été mon rêve et j’étais particulièrement curieux d’y voir Carlinhos Brown. Cette année alors que j’y assistais pour la première fois, je l’ai vu passer sur son trio ce dernier soir, pour le Mardi Gras, mais je ne l’ai pas suivi. BaianaSystem était déjà sur la scène du Farol da Barra et a attendu qu’il s’éloigne pour commencer à jouer. Et moi, j’ai préféré participer une fois de plus à leur fête.

Bien sûr, on espère que BaianaSystem puisse bientôt faire une tournée européenne pour les y voir sur scène. Bien sûr, jamais ils n’y retrouveront la folie électrique qui accompagne leurs prestations pendant le Carnaval où ils sont littéralement plonger au cœur d’une marée humaine mais qu’ils viennent, je suis déjà impatient d’une nouvelle cure de leur « Terapia », cette « thérapie du son< qui fait du bien » et qui est à consommer sans modération !

 

 

 

Laisser un commentaire