Disques/São Paulo

Aláfia dans la marmite de São Paulo

Pour son troisième album en forme de portrait acide de sa ville, le son du groupe Aláfia s’est fait plus urbain. Mais plus funk que jamais !

São Paulo, c’est pas de la soupe : São Paulo não é sopa ! On aura du mal à comprendre le sens de ce titre si on ne le lit pas en entier : São Paulo não é sopaNa beirada esquenta. Si partout on conseille aux enfants de commencer à manger leur soupe par le bord, c’est parce que c’est là que ça refroidit le plus vite. À São Paulo, c’est le contraire : São Paulo, c’est pas de la soupe c’est sur les bords que ça chauffe ! Aláfia ne dévie pas son chemin d’un iota : il est donc là pour parler des périphéries en ébullition et de leur culture.

L’idée initiale d’Eduardo Brechó, leader et principal parolier du groupe, était que chaque morceau soit associé à un quartier de la ville. Et d’inviter des artistes liés à ces quartiers. On retrouve cette idée de départ dans certaines participations. « Mano e a Mona », avec les deux chanteuses trans’ de As Bahias e A Cozinha Mineira, évoque Amaral Gurgel, « Saracura », avec Luísa Maita, parle de Bela Vista, quand « O Agogô de Cinco Bocas » est consacré à Brasilândia d’où est originaire le bassiste Robinho Tavares invité sur ce titre. Ce titre révèle bien l’idée du projet puisqu’on y retrouve Brechó en narrateur à la recherche de ce fameux agogô à cinq cloches. De long en large, il arpente le quartier, va de « Terezinha à Pompéia à pied« , passe par Guarani, Perua, Parapuã, etc… sans jamais réussir à mettre la main sur l’instrument. Le morceau est inspirée d’une anecdote qu’il a vécu. Outre Robinho, le morceau compte sur la participation de Marco Mattoli, fondateur du Clube do Balanço, institution du revival samba-rock, et ça balance donc samba-rock.

Si les fondations rythmiques du groupe sont dans les rythmes du candomblé, au point que leur musique ait pu être décrite comme du candomblé funk, le son d’Aláfia s’est ici fait plus urbain, à savoir que Brechó ajoute des MPC, vocoder, Moog et bass synth à la déjà riche orchestration du groupe. Et ça ne fait qu’ajouter une couche supplémentaire de funk à la mixture explosive d’Aláfia. Pour boucler la boucle et joindre les deux bouts, on retrouve sur l’album l’excellent « O Primerio Barulho », un titre lancé l’an dernier, qui rappelle les évocations des orixás dont le rap brésilien, le candomblé urbain en quelque sorte !

L’alchimie vocale fonctionne toujours aussi bien et le chant de Xênia França se maintient comme contrepoint idéal aux voix graves et aux flows de Jairo Pereira et Brechó. Et malgré les nombreux invités, cette alchimie demeure la signature du groupe.

Si Aláfia n’a jamais manqué de verve et de contenu, proposant toujours des textes longs se confrontant aux problèmes de société, comme le racisme ou les inégalités, il peut aussi se permettre d’inviter le poète Allan de Rosa pour une longue déclamation simplement accompagnée de percussions et d’effets sonores : « Teu mar enche meus olhos ».

En étant ironique, on dira que jamais le nom aláfia signifiant « chemin ouvert » en yoruba, n’aura été mieux choisi : il est idéal pour circuler entre les embouteillages géants de la ville et aller d’un quartier à l’autre. São Paulo não é sopa : forcément un des albums majeurs de l’année !

L’album est en téléchargement gratuit sur le site d’Aláfia en échange d’une adresse e-mail…

En prime, un petit making of de l’album…

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