Disques/Rio

Spectrum Vol. 1 : Diogo Strausz rayonne

Pour son premier album, le jeune Diogo Strausz frappe fort. Très fort. D’aucun pourrait même lui reprocher d’en faire trop et de frimer dans l’étalage de tout son savoir-faire. De composer son album comme un book de fin d’études destiné à montrer qu’on a eu des bonnes notes dans toutes les matières.

À vingt-cinq ans, le Carioca Diogo Strausz n’est pas tombé de la dernière pluie. DJ et ancien guitariste du groupe R.Sigma, c’est comme producteur qu’il a été remarqué et que son travail a reçu des louanges.  Notamment pour la production de l’album d’Alice Caymmi, Rainha dos Raios, un des disques les plus originaux de 2014.

Diogo Strausz spectrum vol. 1

Sur la pochette de l’album, on le voit poser avec la morgue d’un dandy sixties. Il faudrait remonter au Ben é samba bom de Jorge Ben pour trouver un artiste qui fixe l’objectif avec une telle assurance. Mais quand Jorge Ben se contentait d’une seule batida dévastatrice pour mettre le monde à ses pieds, Diogo Strausz enchaîne les styles et revisite cinquante ans d’histoire de la musique avec la désinvolture du cool. Au-delà de son esthétique et de l’attitude du jeune Diogo, cette pochette est aussi riche de sens. Son concept est d’informer d’emblée l’auditeur sur la liste des participants. Diogo Strausz est en solo mais pas tout seul et la notoriété des invités donne une indication sur sa propre crédibilité. Ce n’est pas un disque de chanteur, on l’y entend peu, mais chaque morceau est le fruit d’une collaboration supposée mettre en valeur la personnalité de l’invité. À la façon d’un arc-en-ciel pour les couleurs, le tout compose un spectre d’une grande amplitude.

Son auteur reconnaît volontiers la confusion qui règne sur son disque : des guitares surf en intro et dans quelques intermèdes, du funk bien balancé, de l’électro ludique, une ballade romantique, un samba plus classique, des sons 60’s, 70’s, 80’s et, bien sûr, d’aujourd’hui ! L’album possède pourtant une cohérence, sa progression. Il est conçu comme un vinyle où les deux faces seraient distinctes. Sur la Face A, les morceaux qui bougent, sur la Face B, le « côté obscur », forcément plus intime, plus classique aussi. Ou dit autrement : un côté pour les jeunes, un autre pour les vieux !

La Face A commence pied au plancher. L’intro « Chibom » avec guitare surf rétro et chœurs féminins n’a pas fini de nous surprendre que s’enchaînent déjà les deux gros hits bien funky du disque : « Narcissus » et « Não Deixe de Alimentar », assez rétro avec chœurs féminins et sa basse bien plantée. Après un titre pop-rock, deux titres jouent à fond la carte de l’électro 80’s avec force vieux synthés et boîtes à rythmes, « FCK », avec Apollo, et « Me Ama » avec Kassin. Kitsch, ludique et déjanté !

C’est sur la Face B que Diogo Strausz fait entendre sa voix, au sens propre. D’une belle voix grave, il rend hommage à son grand-père sur « Vovô », évoquant la sagesse de celui-ci accompagné d’un berimbau. Leno, son père est là aussi. Il fut une vedette de la Jovem Guarda dans les années soixante et interprète « Se Renda », une belle ballade romantique sans cynisme. La famille Caymmi est là aussi. Danilo, un des fils de Dorival, et la dernière de la dynastie Alice, petite-fille de Dorival. Au classicisme majestueux du samba « Assombração », Diogo Strausz se contente d’ajouter quelques zigouigouis. Puis signe, un titre plus dramatique et orchestral pour Alice Caymmi, « Diamante » qui clôt l’album en beauté.

Si Diogo Strausz fait bien la démonstration de toute l’étendu de son talent, de sa capcité à passer d’un style à l’autre en les habillant tous des atours adéquats, il signe autre chose qu’un numéro d’esbrouffe mais bel et bien le premier volume d’une œuvre personnelle. C’est assurément la révélation d’un artiste brillant et aussi un des grands disques de l’année.

En écoute ci-dessous, l’album est également en téléchargement gratuit sur le site de Diogo Strausz, en échange d’un partage sur les réseaux sociaux…

 

Laisser un commentaire