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10 Albums de 2012

L’exercice est commun : avec l’année qui vient de s’écouler, on se retourne vers les albums qui nous ont touchés et marqués. Partout actuellement, dans les magazines spécialisés et les blogs, vous rencontrez ces listes de meilleures œuvres de l’année, qu’il s’agisse de films, romans, disques ou même de compilations des plus beaux buts, catégorie la plus zlatanesque d’entre toutes… Seuls les disques nous concernent ici. Et encore uniquement les disques de musique brésilienne… Mais, comme les précédentes, 2012 fut une année riche, ce qui témoigne de l’incroyable effervescence créatrice qui anime le Brésil. Il est donc bien difficile de se restreindre à une dizaine d’albums mais c’est la contrainte, le principe même de l’exercice. Nous n’aurons pas la prétention de les juger meilleurs, leur choix est subjectif et parfois lié à des raisons très personnelles.

Je profite également de l’occasion pour mettre en ligne la sélection de 2011 ce qui permettra aux nouveaux lecteurs de comprendre les motivations de ce projet Afro-Sambas.fr

Évoquer le palmarès de l’an dernier est aussi une façon de rappeler que ces sélections ne valent souvent qu’en un instant t et que nos goûts peuvent évoluer, que quelque impardonnable oubli peut s’y glisser, qu’une tocade passagère est également susceptible d’y faire tâche. Avec un soupçon de mauvaise foi, la sélection 2011 est donc actualisée quand celle publiée sur l’Elixir du Dr. Funkathus fin 2010 s’était limitée à 9 albums pour laisser la porte ouverte à la découverte et au changement d’avis…

Point n’est besoin de décacheter l’enveloppe pour livrer mes choix, à la différence de Fita Bruta dont le palmarès possède de frappantes similitudes avec le mien, je suis ici seul à choisir et non en équipe ! On y retrouve aussi les mêmes coups de cœur que ceux de Boebis dont le riche BonjourSamba s’est imposé en 2012 comme le dernier né des blogs en français dédié à la musique brésilienne : 4 albums en commun dans le Top 10, dont les deux premiers…

Enfin, si l’on retrouve ces albums réunis en ce début 2013, on les aura déjà croisés tout au long de l’année écoulée et présentés de façon généralement plus détaillée. Les liens vont permettront de découvrir les chroniques publiées mais aussi, pour certains albums, d’aller les télécharger car c’est une des caractéristiques marquantes de cette nouvelle génération d’artistes brésiliens indépendants. En s’émancipant de l’économie de la musique traditionnelle, elle invente son propre modèle. Et le téléchargement libre de sa musique est un outil de promotion permettant de se faire connaître et attirer le public dans les salles de concert… Curieusement, seuls deux d’entre eux possèdent encore un lien officiel. D’autres, comme Lucas Santtana, Rodrigo Campos ou Curumin, l’avaient proposé à la sortie de l’album mais une telle démarche est difficilement compatible avec les risques pris, dans le contexte actuel, par un label indépendant pour leur offrir une distribution internationale…

2012 fut un formidable millésime et la liste des absents en souligne la qualité. Dans le cas de Caetano Veloso, il fut hors-concours car je n’ai tout simplement pas encore eu l’occasion d’écouter Abraçaço, le dernier volet de sa trilogie avec Banda Cê… Parmi les autres recalés, on trouve de fort bons disques : Treme de Gaby Amarantos, Tudo Tanto de Tulipa Ruiz, Trabalhos Carnívoros de Gui Amabis, Tropicália Lixo Lógico de Tom Zé, Rua dos Amores de Djavan, De Pés no Chão de Márcia Castro ou Tabaroinha de Mariene de Castro…

Sans plus attendre…

10. CéU, Caravana Sereia Bloom

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CéU est une des rares artistes de cette nouvelle génération d’artistes à pouvoir développer sa carrière à l’international. Pour son troisième album, celle qui a fait de sa voix langoureuse une marque de fabrique s’est lâchée. Cette fois-ci, les rythmiques aussi sont langoureuses ! Cultivant un parfum délicieusement vintage, elle se promène de rock steady en cumbia et enrichit ses orchestrations pour un album qui balance bien…

À lire : « Céu, ou l’éclosion de la sirène »

9. Dalua & Mestre Maurão, O Samba de Roda de Dalua e Mestra Maurão

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Quand deux maîtres de capoeira de São Paulo décident de rendre hommage au samba de roda qu’ils chantent à la fin de leurs séances pour se détendre, ils s’autorisent d’y mettre un peu de culot. Ils proposent un double album où le deuxième volume est constitué des sessions brutes, « traditionnelles », quand le premier, le véritable album, est plus original. Ils y introduisent des éléments modernes, un peu d’électro, un piano cubain, un accordéon sans rien dénaturer de ce style enregistré au patrimoine immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Leur album aurait même pu concourir dans la catégorie des plus belles pochettes tant l’objet est magnifique…

À lire, « Le Samba de roda réinventé par Dalua et Mestre Maurão »

8. Curumin, Arrocha

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Pour son troisième album, Curumin a su transformer la contrainte en une force et une source d’inspiration. Il expliquait que la place qu’avait pris la dimension électronique dans sa création était faute de moyens pour passer du temps en studio à enregistrer de vrais instruments. À l’arrivée, il sort un disque qui claque, qui vibre, aux basses profondes, aux beats bien secs, où sa voix a pris de l’assurance et où le MC bahianais Russo Passapusso amène sa ferveur…

À lire : « Arrocha, ou l’afro-choc de Curumin »

7. Sambanzo, Etiópia

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Thiago França, le sax colossus brésilien, est un acteur omniprésent d’une certaine scène de São Paulo, de Criolo à Rodrigo Campos en passant par ses deux trios MarginalS et Metá Metá. Sambanzo est son bébé, son projet personnel, celui dont il est le leader même s’il est collectif et le fruit d’un échange entre les musiciens y participant. On constate à son écoute qu’un sillon se creuse dans le sillage de cette bande d’amis. Ensemble, Thiago, Kiko Dinucci, Marcelo Cabral et compagnie se lâchent et partent dans l’improvisation sans filet, inventant au passage un afrobeat dédié aux orixás. Sambanzo illustre également le credo de Thiago França : la musique instrumentale n’est pas que cérébrale, elle peut être viscérale et dansante comme la grande fête mystique que provoque Sambanzo sur son passage !

À lire : « Sambanzo, l’éthio-jazz de Thiago França sous le signe de Xangô »

Pour télécharger l’album : http://www.mediafire.com/?pe5f16frq2jwhqf

6. Maga Bo, Quilombo do Futuro

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Celui qui revisite si brillamment tous les styles brésiliens, du Nordeste à Bahia, en passant par Rio, l’auteur du disque au son le plus énorme de l’année, est un… Gringo. Un Carioca d’adoption, un Américain installé à Rio depuis une dizaine d’années : Stephen Anderson. Entouré d’un crew de lyricists et aboyeurs de tous poils, de BNegão à Russo Passapusso en passant par MC Zulu, il fonde un quilombo en forme de TAZ, comme une utopie éphémère à l’écart du système…

À lire : « Maga Bo, parti pour Croatan »

5.  Rogê, Brenguelé

Rogê - brenguelé

Rogê n’a pas de prétentions artistico-métaphysiques, il est fidèle au sambalanço bien funky. S’il le fait avec tout le respect qui se doit aux musiques noires brésiliennes, il s’y adonne avec toute la malice d’un Carioca bon teint. Celle d’un type pour qui la plage et les parties de foot entre potes sont trop importantes pour que les perspectives d’une carrière internationale soient prises autrement que comme un fardeau. Avec sa barbe de quelques jours et son sourire charmeur, Rogê a certainement plus urgent à penser que les agendas et les contraintes d’un planning loin de ses bases, là où il bat le fer tant qu’il est chaud et où il fait danser les femmes. Car Thierry de BossaNovaBrasil est formel, lui qui l’a vu sur scène à Rio : Rogê sait faire danser les femmes.

Derrière cette légèreté de façade, le protégé d’Arlindo Cruz et pote de Seu Jorge peaufine son style. Entouré d’une équipe de vieux briscards, de Lincoln Olivetti à Paulo Braga, en passant par Wilson das Neves, invité sur un titre, il creuse son sillon jusqu’aux racines, avec plus de profondeur que sa décontraction ne le laisserait croire. Rogê est un artiste à découvrir mais si vous voulez le découvrir, il faudra faire le voyage parce que, comprenez bien, pour lui, ce serait beaucoup d’efforts et de sacrifices que de venir jusqu’à nous…

4. Lucas Santtana, O Deus Que Devasta Mas Também Cura

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Il est entendu que Lucas Santtana est un des plus brillants musiciens de sa génération. Avec ce nouvel album, le cinquième, il se renouvelle encore, comme à chaque fois, mais introduit une dimension plus personnelle à sa musique. Du vécu. C’est une rupture amoureuse qui est à l’origine des compositions de l’album quand il quitta le domicile conjugal un jour de tempête alors que Rio était paralysé par les éléments déchaînés. La vie nourrit l’œuvre et lui donne une émotion sans fard qui faisait peut-être défaut aux précédents albums de Lucas. De cette crise naît l’inspiration qui le verra utiliser des beats bien tendus et y poser des samples de musique symphonique pour enrichir la texture de sa musique, déjà remarquablement dense par les excellents musiciens qui l’accompagne et une production remarquable.

Avec Lucas Santtana, indie-pop et tecno brega, classique et kuduro se téléscopent et font de lui une figure emblématique de la musique brésilienne telle aussi qu’on se l’imagine par ici, au moins depuis les Tropicalistes et leur anthropophagie culturelle.

À lire : « Lucas Tout Puissant »

3. Bruno Morais, A Vontade Superstar

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Le seul anachronisme de cette sélection est celui-là. Je tiens généralement à prendre comme référence l’année de sortie brésilienne d’un album, plutôt que celle de sa distribution en Europe. Ainsi, Criolo était mon disque de l’année en 2011 et ne figure pas dans ce classement 2012 alors qu’il vient d’être distribué par Stern’s en Europe. Nous faisons une exception pour Bruno Morais dont A Vontade Superstar fut lancé en 2009 au Brésil et seulement cette année ici. À cela deux raisons : 1. je ne publiais par de Top 10 en 2009 et 2. je n’ai découvert ce bijou qu’en 2011. Motif supplémentaire et décisif, « O Mundo é assim », reprise crépusculaire d’un samba d’Alvaiade de Portela qui m’avait déjà accompagné tout l’été, est devenu un des titres favoris de ma nouvelle namorada et a beaucoup accompagné nos soirées.

Bruno Morais est un artiste à découvrir de toute urgence, un véritable orfèvre pop et un interprète tout en finesse dont la voix feutrée ne s’autorise aucun effet. Nous sommes impatients de découvrir son prochain album et le fait que celui-ci date de 2009 nous laisse espérer qu’il soit pour bientôt. Heureusement, il nous aura entretemps semé quelques cailloux en forme de 45Tours pour le suivre sur son chemin…

À lire : la chronique que j’ai rédigé pour le n° 147 de Vibrations

2. Rodrigo Campos, Bahia Fantástica

Rodrigo Campos - bahia fantastica

En seulement deux albums, Rodrigo Campos a imposé un univers résolument original. Originaire de la périphérie de São Paulo, il a considérablement élargi le champ de ses références culturelles depuis les petites rodas de samba où il apprit la musique. Timide, modeste comme un Paulinho da Viola dont il a choisi l’instrument de prédilection, le cavaquinho… Nulle trace d’axé ni de samba de roda dans la musique de Rodrigo Campos mais l’influence revendiquée et évidente à l’écoute de Curtis Mayfield. Embarquant cet équipage fantastique composé des omniprésents Thiago França, Kiko Dinucci, Cabral et invite à bord les voix de Criolo ou Juçara Marçal pour allier la douceur de son chant à la tension des grooves. Pour lui, Bahia est pour lui une métaphore du mystère de la vie et son album une œuvre obsédée par la mort… « N

À lire : « Voir Bahia (Fantástica) et mourir »

1. Metá Metá, MetaL MetaL

MetaL MetaL

Après un premier album l’an dernier qui fut déjà mon coup de cœur, seulement devancé dans mes choix par celui de Criolo, le trio composé de Kiko Dinucci, Juçara Marçal et Thiago França revient. Là où le premier privilégiait l’acoustique, celui-ci est une véritable décharge électrique… Pour évoquer leur musique, ils choisissent parfois le terme d’afro punk. C’est en tout cas une transe d’afrobeat mystique où sont convoqués les orixás dans le fracas du fuzz et de la distorsion. Une œuvre d’emblée saluée comme majeure par de nombreux blogs et magazines brésiliens qui en font, sans hésitation, l’album de l’année.

À lire : « La Transe afro punk de MetaL MetaL« 

Pour télécharger l’album : http://www.mediafire.com/?j259dc7d5m86btl

Une réflexion sur “10 Albums de 2012

  1. Super,j’attendais cet article pour découvrir des disques à coté desquels je serai passé cette année (donc le Dalua & Mestre Maurão, et Rogê) . Pas étonnant si on a beaucoup d’albums en commun, j’en ai découvert une bonne partie ici même… ainsi que sur Fita bruta aussi d’ailleurs 🙂

    Sinon, tu aimes Siba? Je n’ai pas vu d’articles sur afro-sambas ni sur le dernier ni sur les anciens donc je me dis que tu ne dois pas être fan. Je suis complétement addict, et je crois bien qu’il passerait en 2ème position devant Rodrigo Campos si je devais refaire mon top aujourd’hui. Et je pense que je baisserais Otto et Céu…

    Sinon, merci beaucoup de mentionner mon blog. Je t’indique juste que le lien vers ce dernier n’est pas bon, il s’agit du lien « dynamique » qui change tous les jours. Le bon lien est le suivant: http://bonjoursamba.tumblr.com/post/39209796562/le-meilleur-de-la-musique-du-bresil-en-2012

    Amicalement,

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