Disques/São Paulo

L’Afrorap libérateur de Rincon Sapiência

Coup d’essai, coup de maître, dirait la formule. Coup de maître, sans hésitation. L’afrorap de Rincon Sapiência possède tous les atouts, tant sur le fond que la forme. Coup d’essai également puisqu’il s’agit effectivement de son premier album, néanmoins Rincon Sapiência n’est pas un « bleu ». Il a déjà sorti quelques titres ces dernières années et baigne dans le hip-hop depuis dix-sept ans, sachant qu’il n’en a que trente-et-un…

Rincon Sapiência Galanga Livre

Originaire de la Zona Leste de São Paulo, Danilo Albert Ambrosio, s’il est également connu comme Manicongo, a pris comme nom d’artiste celui d’un footballeur colombien, Freddy Rincón, ayant joué à Palmeiras et aux Corinthians, deux clubs de São Paulo, parce que c’était son surnom dans le quartier. Rincon donc, auquel il a ajouté Sapiência, soit la connaissance et la sagesse, pour bien indiquer que ses lyrics seraient conscious !

Galanga Livre est un album pensé et conçu comme un album, pas une simple collection de singles aussi irrésistibles soient-ils. Derrière sa versatilité et les nombreux styles qu’il brasse, il creuse son sillon. Notamment à travers la figure de Galanga, connu au Brésil, dans le Minas Gerais, sous le nom de Chico-Rei. Un Roi du Congo arrivé comme esclave au Brésil et qui s’évada de la plantation après en avoir tué le maître. Comme son titre l’indique, l’album parle de libération. Il parle aussi d’ancestralité, des racines africaines du peuple brésilien mais aussi du quotidien des habitants des périphéries des grandes villes.

Si Rincon qualifie sa musique d’afrorap, c’est bien pour souligner à la fois l’importance de cet héritage africain mais aussi pour célébrer les cultures contemporaines. Plutôt que de dénoncer les préjugés raciaux, parce qu’il préfère être positif, il transforme sur son morceau « A Coisa Tá Preta » le sens d’une expression péjorative en affirmation valorisante.

S’il évoque cette figure de légende qu’est Galanga/Chico-Rei sur « Crime Bárbaro » et « Galanga Livre », Rincon détaille aussi le quotidien difficile de ses contemporains les plus modestes. Sur « A Volta Pra Casa », il raconte les trajets interminables des travailleurs rentrant chez eux tard le soir en périphérie après une journée de boulot, soulignant que ce n’est pas seulement long et fatiguant mais aussi dangereux de se retrouver à rentrer chez soi quand on se retrouve seul dans la rue.

Le contenu est forcément politique mais Rincon semble préférer l’ironie, sur son freestyle « Ponta de Lança », il glisse un « Batemos tambores, eles panelas » (« on joue du tambour, eux des casseroles« ) pour moquer les manifestations de droite contre le gouvernement de Dilma Rousseff en 2013 qui organisaient ces fameuses paneladas où la bourgeoisie tapait sur des casseroles pour dire son mécontentement.

L’ambition de Rincon est celle d’une libération et il affirme sa liberté par son éclectisme musical, confiant la direction de l’album à William Magalhães, leader de Banda Black Rio, samplant aussi bien du rock 70’s africain (zambien ou kenyan ?) que Lia de Itamaracá, ou un berimbau entêtant. Sans oublier un bel hommage au samba sur « Meu Bloco ». Le clip réalisé par Jorge Dayeh en un seul plan séquence est une belle promenade dans le dédale des ateliers de l’école de samba Pérola Negra.

S’il est lui aussi considéré comme une révélation, le végétarien de longue date Rincon Sapiência prouve, comme Criolo avant lui, que la reconnaissance dans le hip-hop est parfois le fruit d’une très longue maturation. Galanga Livre est sans conteste un des albums marquants de l’année. Coup de cœur absolu !

De la lecture sur Noisey et la Revista Trip

 

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