Disques/São Paulo

Metá Metá, trois amis plus unis que jamais

Avec un titre aussi lapidaire que sa musique est urgente, Metá Metá revient avec MM3, un troisième album qui affronte la réalité du moment avec colère et amour. Cinq ans après son premier album, plus que jamais le nom que s’est choisi le groupe prend sens, un mot yoruba qui signifie « trois ensemble ».

Le monde va mal et le Brésil en particulier. En quelques mois, le pays vient de se prendre une régression sociale et culturelle de cinquante ans dans la gueule. Juçara Marçal, Kiko Dinucci et Thiago França n’ont jamais louvoyé : ils n’ont pas attendu ce coup d’Etat déguisé qu’est la destitution de Dilma Rousseff pour être sur le terrain, jouer dans les lycées en grève, dresser par des caricatures au vitriol le portrait d’une élite arc-boutée sur ses privilèges et préjugés, ou encore défendre les religions de matrice africaine face à l’intolérance.

meta-meta-mm3

Pour refléter cette tension, MM3 a été enregistré en trois petits jours, dans l’urgence. Si c’était faute de moyens pour les précédents, c’est ici un choix. Deux ou trois prises pas plus, c’est dans la boîte et basta. Car Metá Metá ne cherche surtout pas la perfection. Plutôt qu’un Photoshop, « c’est un Polaroid, le reflet du moment » dit Kiko Dinucci. Ce moment étant troublé, le groupe est plus radical que jamais, plus sombre aussi, reconnaissait Kiko, « Metá Metá n’est pas un groupe solaire, pour mettre une chemise à fleurs, boire des caipirinhas et prendre du bon temps, disait-il. Metá Metá, c’est se jeter dans le show, sauter, danser le candomblé ».

« Danser le candomblé » n’est pas qu’une expression du style « faire la java », cela traduit leur implication dans les religions de matrice africaine, comme le candomblé dont leur musique est profondément inspirée, même rock, dans les cris et les distorsions. « Quand j’ai connu Kiko, j’ai été impressionnée. Pour la première fois, je voyais quelqu’un dont le travail de composition dialoguait authentiquement avec ce qui existait dans les cérémonies, racontait Juçara Marçal* en 2011. La structure de ses chansons faisait référence à la batida du candomblé ». Cette inspiration ne se retrouve pas seulement dans les rythmes ou les incantations mais conditionne leur propre jeu. « Quand on fait une musique liée à Oxum, je cherche à être plus fluide, expliquait Thiago França*. Quand on parle de Xangô, je cherche à être plus explosif. C’est ça qui m’intéresse parce que jouer pour rester dans la gamme, qu’est-ce que c’est chiant ! ».

À la première écoute, on est désarçonné par MM3. S’il y a toujours l’électricité de MetaL MetaL, leur deuxième album, on ne retrouve plus, et ce malgré la présence Marcelo Cabral (basse) et Sérgio Machado (batterie) toujours excellents, la transe rythmique qui portait celui-ci. Bien sûr MM3 est toujours imprégné de spiritualité, inspiré par quelques orixás et ses paroles mêlent toujours portugais et yoruba mais il est aussi animé d’une énergie punk où les tensions sont poussées jusqu’aux cris de défoulements les plus libérateurs, comme sur « Angoulême » ou « Corpo Vão ». Sur « A Imagem do Amor », la voix de Juçara monte dans un crescendo qui pourrait rappeler le chant free de Linda Sharrock quand la guitare électrique de Kiko n’est pas moins fracassante que celle de son mari Sonny.

meta-meta-por-jose-de-holanda-3584

Juçara, Kiko et Thiago sont en colère mais cette colère reste en permanence guidée par l’amour de leur prochain. « Três Amigos », la chanson qui ouvre l’album, refuse de céder à la violence et à l’intolérance en d’un système qui voudrait que l’on trahisse ses amis, ses saints, son amour. Le disque a été enregistré avant le vote du Parlement, première étape de la destitution de Dilma, et si aucun morceau n’évoque directement la situation actuelle, le climat général en dit long. En effet, hormis « Toque Certeiro », un frevo composé par Siba qui met du baume au cœur, MM3 est sombre et tendu. Electrique comme le précédent, mais concentré sur les mélodies comme le premier album (celui-ci acoustique), portées par la voix de Juçara, comme une clarté dans le tumulte.

L’album se clôt par une longue plage hypnotique de neuf minutes chantée par un Kiko Dinucci habité, « Oba Koso ». Le morceau implore le Roi Koso, autre nom de Xangô, de ne pas faire tomber son feu sur nous. Le morceau prend des airs de blues touareg, peut-être la trace d’un séjour au Maroc, où le groupe a été marqué par les musiques locales. « Il y a l’influence du désert, reconnaît Kiko Dinucci, mais en même temps le disque est chaotique, très pauliste ».

Comme l’expliquent d’une seule voix  ces trois amis, dans cette époque troublée, « il est d’autant plus important que l’art apporte son contrepoint à tant de désinformation et de haine, et laisse entrevoir la possibilité d’un monde meilleur et plus tolérant« . Alors Metá Metá regarde la folie des hommes droit dans les yeux et transmute cette tension en un souffle majestueux.

Dans le cadre de sa tournée actuelle, Metá Metá sera à Pantin ce dimanche 2 octobre pour un concert à la Dynamo.

_____________________________________

* Les propos de Juçara Marçal et Thiago França sont tirés des interviews accordées en 2011 et 2012 à Márcio Bulk pour son blog Banda Desenhada

 

Votre commentaire

Choisissez une méthode de connexion pour poster votre commentaire:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s