Comme un lancement par étages de sa fusée d’afronautes, Senzala Hi-Tech vient de présenter un clip destiné à propulser plus avant son premier E.P. sorti il y a quelques mois. « Baile da Meia-Noite » est une magnifique introduction visuelle à leur univers musical, un hip-hop à la fois en quête de ses racines et ouvert sur le futur.

Fondé en 2012 à São Paulo, le collectif s’articule autour de la figure de Diogo Silva, champion de taekwondo, médaille d’or aux Jeux Panaméricains 2007, entouré de MC Sombra et Minari Groove Box, respectivement rappeur et DJ du groupe SNJ, ainsi que de Junião, percussionniste et illustrateur et Gustavo Da Lua, également percussionniste et membre de Nação Zumbi.

Leur nom est déjà lourd de sens : il affirme que les séquelles de l’esclavage dessinent toujours l’organisation de la société brésilienne. Que celle-ci se structure encore aujourd’hui dans l’opposition entre casa grande et senzala, soit entre la maison des maîtres et la baraque des esclaves, une opposition qui est d’ailleurs le titre original du grand classique de la sociologie brésilienne, le livre de Gilberto Freyre traduit en français sous le titre Maîtres et esclaves.

Le quilombo, ce village libre de marrons, ces esclaves échappés des plantations, est le symbole par excellence de la résistance au sein d’une société raciste et inégalitaire. Sa portée symbolique dépasse d’ailleurs la cause noire au Brésil ou ailleurs car le quilombo est une TAZ, comme le dirait Hakim Bey, une zone autonome temporaire. Il est intéressant de noter que Senzala Hi-Tech choisit l’autre symbole. Pas le quilombo mais la senzala. Autrement dit, la résistance germe sur le lieu même de la plus violente oppression. La senzala des tortures et des mauvais traitements est justement le point de départ. Il n’est pas question de fuite et d’un ailleurs-quilombo. La résistance commence ici, disent-ils : « aujourd’hui, nous voulons convertir la senzala en symbole de résistance car c’est là que nous avons appris que ce n’est qu’en restant unis que nous pourrons lutter pour la Liberté, l’Identité et la Justice« .

Le nom Senzala Hi-Tech énonce aussi clairement que si le collectif affirme ses racines, il se tend aussi vers l’avenir et ses technologies et s’inscrit dans le courant très en vogue de l’afrofuturisme. La pochette et les illustrations de Junião sont explicites en ce sens. Ces afronautes sur leurs instruments flottant dans l’espace, leurs visages des masques africains maquillés de circuits électroniques.

En six titres sur ce premier E.P., Senzala Hi-Tech plante son univers. Outre « Baile da Meia-Noite », un titre sort du lot, différent des autres : « Pegada do Vampiro », irrésistible et entraînant. Dès la première écoute, on a l’impression de découvrir un « classique », un petit morceau d’anthologie, parfait dans son genre, avec son sample de guitare-nylon, les percus et les raps au taquet. Les autres titres installent une autre ambiance, downtempo, presque à spliff-speed serait-on tenté de dire tant il semble flotter un nuage d’effluves maconhesques au-dessus de ces titres, tendus et presque oppressants où les voix sont nimbées d’un écho sépulcral au service d’un propos engagé. Sur ce terrain, « Baile da Meia-Noite » est la vraie réussite de ce E.P.. Les quelques notes de berimbau plantent le climat, hypnotique, et convoquent l’esprit de fêtes ancestrales que le clip illustre parfaitement.

On souhaite un bon atterrissage à la fusée Senzala Hi-Tech : plus que jamais, alors que la démocratie brésilienne est violemment menacée, la résistance, c’est ici !

L’album est en téléchargement gratuit sur le site de Senzala Hi-Tech.

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* Hoje, queremos converter a Senzala em símbolo de resistência, pois foi nela que aprendemos que somente permanecendo juntos podemos lutar por Liberdade, Identidade e Justiça.