Disques/Minas Gerais

Matheus Brant ou l’élégance du mauvais goût

Brega, arrocha, sertanejo universitário, pagodinho, Matheus Brant assume tout mais surtout, il s’amuse. Avec son album Assume Que Gosta, il revisite tous ces genres populaires synonymes de mauvais goût pour en faire des chansons pop enlevées.

Bien sûr, si vous vous promenez dans les rues brésiliennes, vous finirez probablement par penser que l’arrocha, vraiment, c’est horrible. Mais rien n’est plus horrible que le mépris de classe qui décrète le vulgaire de tous ces farofeiros, ces classes populaires dont la musique ne peut être que braillarde et de mauvais goût. C’est depuis longtemps un sujet sur lequel Caetano Veloso n’a de cesse de provoquer son public. Lui si raffiné, a toujours pris un malin plaisir à reprendre une chanson brega pour mieux en faire ressortir la mélodie, lâcher un couplet de funk pour contester les préjugés de ceux qui s’arrogent le droit de distribuer les bons points.

Matheus Brant Assume Que Gosta

Le bon goût esthétique dans les musiques populaires a d’ailleurs toujours été une notion étrangère puisque décrété d’ailleurs, d’en haut. L’argument est propice aux considérations sociologiques, ça tombe bien puisque Matheus Brant est lui-même un jeune intellectuel, avocat dans le civil, qui met en exergue de son album une citation de Paul Valéry : « le goût est fait de mille dégoûts« *. Inspiré par L’Homme sans contenu du philosophe italien Giorgio Agamben, Matheus explique la proximité du bon et du mauvais goût : « le bon goût, à partir d’un certain niveau de raffinement, ne peut plus se priver du mauvais goût« .

Il ne faut pas se méprendre, ce qui fait de Assume Que Gosta un des albums les plus enthousiasmants de ce début d’année, c’est sa sincérité. Il n’y a nulle ironie ou volonté de caricature dans sa démarche. Matheus Brant aime le pagode et l’axé de la même façon que le rock ou le dub. L’idée de départ, dit-il, était de faire des chansons « dont les mélodies et les paroles soient typiques de l’axé, du pagode, de l’arrocha et des marchinhas mais dont la production et les arrangements suivraient une esthétique plus moderne« . C’est dans cette logique qu’il a confié à Fábio Pinczowski et Mauro Motoki le soin de produire l’album et qu’il a invité Dustan Gallas (Cidadão Instigado), Lenis Rino, Juliana Perdigão (Graveola e o Lixo Polifônico), Luê et Kdu dos Anjos à l’enregistrer avec lui.

Par cette façon d’insuffler une sophistication pop aux musiques populaires, on retrouve chez Matheus Brant la démarche d’un Felipe Cordeiro qui plonge dans les carimbó et lambada de son Pará natal et n’a pas non plus peur du sentimentalisme brega dans ses chansons.

Assume Que Gosta est un disque de carnaval, festif et dansant. Quand bien même celui de Belo Horizonte n’a pas la nototiété de ceux de Rio ou Salvador, c’est de ces ambiances que Matheus Brant s’est d’abord inspiré. Lui même, pour animer les fêtes de la capitale mineira a fondé le bloco Me Beija Que Eu Sou Pagodeiro. Son morceau « Carnaval », même avec une production pop, n’a pas perdu l’entrain des fêtes de rue avec les chœurs et les claps (pardon, les palmas) des amis en état d’ébriété contagieuse. Si l’album est assurément entraînant, il est tout aussi entêtant. Ses refrains trottent vite dans la tête par la grâce de quelques mélodies accrocheuses, celle de « Magrela » par exemple…

Matheus Brant réussit brillamment son défi qui consistait à relier la « mémoire affective à la contemporanéité » et donner ce petit supplément d’âme qui habite ses chansons. Brega avec classe…

L’album est en téléchargement gratuit sur le site de l’artiste ou, directement, ci-dessous en suivant le lien officiel :

Matheus Brant, Assume Que Gosta (2016)

 

 

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