Disques/Rio

Abayomy Afrobeat Orquestra : Abra Sua Cabeça (And Your Ass Will Follow)

Avec son deuxième album, Abayomy Afrobeat Orquestra se positionne au sommet de l’afrobeat mondial. Enregistré en 2014 et lancé seulement cette année, Abra Sua Cabeça est un disque qui a la densité des meilleures réussites de ce revival mais, surtout, se distingue de la concurrence en ayant trouvé le chaînon entre le Nigéria et le Brésil qui donne toute sa cohérence au projet.

Abayomy Afrobeat Orquestra - Abra Sua Cabeca

Près de vingt ans après la mort de Fela Kuti, la fièvre afrobeat a contaminé le monde, des formations se sont créées aux quatre coins du globe et le Brésil n’a pas échappé à cette vague. Si on voulait faire la fine bouche, on dirait que pour la plupart de ces groupes, l’afrobeat n’est guère qu’une tournerie, un langage accueillant qui permet de se retrouver en bonne et nombreuse compagnie pour faire de la musique ensemble. Et quand, même s’il s’agit de musique instrumentale, on demanderait : qu’est-ce que ça raconte ? Force serait de reconnaître : pas grand-chose !

Abayomy Afrobeat Orquestra a débuté en 2009, à Rio, à l’occasion d’un Fela Day. Riche d’une douzaine de membres dont Alexandre Garnizé et Gustavo Benjão, le groupe s’est vite imposé comme une référence brésilienne en matière d’afrobeat, seul Bixiga 70 jouant dans la même catégorie. Comme Bixiga 70, comme tant d’autres également, Abayomy ne s’est pas enfermé dans une relecture orthodoxe de l’afrobeat tel qu’inventé par Fela et son batteur Tony Allen. Les influences brassent forcément plus large, hic et nunc oblige : ici et maintenant n’est pas le Lagos des années soixante-dix.

Où Abayomy Afrobeat Orquestra se distingue c’est en démontrant que, pour lui, l’afrobeat n’est pas une pièce rapportée. La connection entre le Nigéria et le Brésil est ancestrale et passe par la langue. Celle-ci est le révélateur d’une culture yoruba commune. Au Brésil, ce qui reste du yoruba est associé aux religions de matrice africaine, une trace des ancêtres et la marques des initiés. Certes, Fela Kuti n’a pas évoqué les orixás dans ses morceaux, ses paroles étaient avant tout politiques et leur pertinence n’a rien perdu avec le temps. Mais pour un groupe brésilien, peut-être la pertinence à jouer de l’afrobeat aujourd’hui se trouve-t-elle dans l’affirmation de cette spiritualité commune. C’est bien ce qui donne cette force unique et encore inégalée à Metá Metá, ou dans une moindre mesure à Aláfia.

Abayomy ne dédie qu’un seul titre à un orixá, « Omolu » mais c’est suffisant pour enraciner le propos général. Et si le groupe a des choses à dire, c’est à travers une influence marquante de l’album, essentiellement brésilienne celle-ci, celle du manguebit de la Nação Zumbi, plus rock. Pour le produire, le groupe de Rio s’est offert les services de Pupilo. Le batteur de Nação Zumbi est un producteur recherché et il capte ici la ferveur collective des musiciens. On retrouve également Jorge Du Peixe, le chanteur qui a succédé à Chico Science sur « Vou Par Onde Vou », ainsi qu’une autre figure du mouvement, le toujours bien fêlé et braillard Otto sur « Mundo sem Memória ».

Alors que Thomas Harres (batterie) et Vitor Gottardi (guitare) accompagnaient Céu sur scène lors de sa tournée européenne de 2015, c’est elle que l’on retrouve ici interprétant « Sensitiva », un titre qui semble taillé pour sa voix.

Enfin, rien de tel pour affirmer son credo que d’avoir la bénédiction du maître, Tony Allen. On le retrouve sur deux titres. C’est sa voix que l’on entend sur le morceau d’introduction, « Abra sua Cabeça » où il évoque Fela et sur « Tony Relax », chanté en français par Thiago Queiroz, son jeu de batterie demeure inégalable.

Si le titre de l’album nous évoque, probablement en raison d’une vieille addiction personnelle, le slogan de Funkadelic, légèrement paraphrasé, la pochette et son dessin d’écorché nous fait plutôt penser aux photographies de natures (bien) mortes de Joel-Peter Witkin (« Abra sua Cabeça » pris au pied de la lettre !), il va sans dire que l’on préfère la première option, plus fidèle à l’ambition d’Abayomy : nous ouvrir l’esprit par les vertus de la danse collective ! Vivement une tournée européenne pour fêter ce bel album.

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