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Le Monde admirable des Novos Baianos

Il y a quatre ans, nous racontions la forte influence de João Gilberto, à la fois professeur de musique et maître spirituel, sur les jeunes Novos BaianosFilhos de João, o admirável mundo Novo Baiano, le documentaire d’Henrique Dantas consacré aux Novos Baianos, ne serait-ce que par son titre, insistait sur l’importance qu’eurent pour les chevelus débraillés ces rencontres avec le génie en complet gris. À ceux que la réédition de Acabou Chorare par Mr. Bongo, quarante-trois ans après sa sortie en 1972, donnerait envie de se replonger dans l’univers du groupe, voici le film dans son intégralité quand, à l’époque où nous le présentions, nous ne pouvions en voir que la bande-annonce.

filhosdejoao

Si on y découvre des images d’archives et de nombreux extraits de films d’époque, dont certains du fameux Novos Baianos F.C. de Solano Ribeiro, le principal intérêt de Filhos de João est d’avoir rassemblé les principaux acteurs de l’aventure pour recueillir leurs témoignages. Mais, évidemment, pas l’ombre de João Gilberto lui-même, ni dans les archives, ni pour évoquer cette période où il cotoyait les Novos Baianos. L’homme est un reclus mais son fantôme hante le documentaire par le récit que donnent les autres de son influence…

Alors qu’ils habitaient encore un grand appartement à Botafogo, fréquenté par une foule d’artistes, dont notamment les cinéastes Glauber Rocha et Leon Hirszman, les Novos Baianos ont commencé à recevoir des visites nocturnes de João Gilberto. En général, sur le coup des trois heures du mat’ ! Alors que les gars étaient en train de jouer du rock, il arrivait pour leur interpréter des sambas. « Vous connaissez Assis Valente ?« , demanda-t-il. Non. C’est lui qui les incita à intégrer « Brasil Pandeiro » à leur album Acabou Chorare, un morceau qu’Assis Valente avait composé, en 1940, pour Carmen Miranda, son interprète favorite. Un titre qu’elle refusa plongeant Assis dans le désespoir.

João Gilberto a fait découvrir à ses jeunes amis la musique brésilienne, leur a fait comprendre qu’il n’y avait pas de honte à jouer du pandeiro ou du cavaquinho. Il leur apprit à ne pas avoir honte d’être brésilien et leur a « montré le chemin de la maison« , comme le dit un des membres du groupe dans le documentaire. Il fut pour eux une sorte de guide spirituel et un professeur. Moraes Moreira raconte dans le film que la première fois qu’il l’entendit jouer devant eux, il pensa arrêter la musique tant le niveau de perfection de João l’avait impressionné. Il mit une semaine à s’en remettre !

Mais que venait faire la légende de la bossa nova parmi cette bande de rockers hippies ? Peut-être réaliser, par procuration son vieux rêve. Leur vivre ensemble en était la réalisation. Oui, lui, le solitaire avait toujours voulu avoir un groupe et que tout le monde habite ensemble pour faire de la musique !

Peut-être rêvait-il aussi d’une équipe pour jouer au foot ? L’autre grande passion des Novos Baianos. Ils racontent dans le documentaire qu’ils jouaient déjà comme des fous dans leur appartement et que la voisine du dessous s’en plaignait. Aussi quel bonheur quand, pour vivre en communauté, ils investirent la Cantinho do Vovô, à Jacarepaguá, un grand jardin et quelques constructions. Ils avaient un terrain entier pour eux. Autre témoignage qui dit leur passion : parfois, ils n’étaient pas raisonnables avec le budget collectif et dépensaient presque tout leur argent pour racheter maillots, crampons et ballons alors qu’ils avaient à peine de quoi manger ! Même si les fonds étaient maigres, jamais ils ne se disputèrent pour l’argent car, comme le dit Galvão, « pour nous, ce qui avait de la valeur n’était pas l’argent mais l’honnêteté ». Par contre, pour le foot… c’était même leur seule raison de dispute !

La belle aventure de la communauté prit fin quand Moraes Moreira, fondateur du groupe avec Galvão, décida de ne plus y vivre. Malgré tout le bonheur qu’il avait à vivre là, il dit que c’était un choix de vie qu’il n’avait pas le droit d’imposer à ses enfants. Même s’il souhaitait continuer le groupe, la rupture fut consommée…

Filhos de João nous plonge au cœur d’une expérience de bonheur collectif à une époque où le Brésil traversait les heures sombres de la dictature. La communauté des Novos Baianos était une résistance par le bonheur et la passion. Ils ont laissé leurs chansons en guise de témoignage.

 

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