Peut-être aurait-il été un bon acteur, on n’en sait rien… Alors qu’il n’a enregistré qu’une poignée de disques en cinquante de carrière dédiés au samba, il a également eu l’occasion d’être mêlé à plusieurs films de cinéma… Retour sur ce qui est certainement un aspect méconnu de la vie de Batatinha.
Son baptême du feu avec le 7ème art eut lieu en 1961, bien avant qu’il n’enregistre lui-même son premier disque : on peut entendre un extrait de sa chanson « Diplomacia », chanté par l’acteur Atonio Pitanga dans Barravento, le film de Glauber Rocha a tourné à Itapuã. Ce passage est bref, il ne dure qu’une quinzaine de secondes (à la 34ème minute précisément) mais il fait entrer Oscar da Penha au panthéon du cinéma brésilien : son nom figure au générique d’un film du plus grand réalisateur de son histoire…
Quelques années plus tard, en 1975, un dimanche, alors qu’il était chez lui, tranquillement en train de déguster son mocotó, Batatinha vit débarquer Marcel Camus, le réalisateur d’Orfeu Negro, qui le sollicitait pour son nouveau film, Otalia de Bahia, une adaptation du roman Jorge Amado Os Pastores da Noite (traduit en français sous le titre Les Pâtres de la nuit). Camus était persuadé que comme acteur il possédait le profil idéal pour son film et l’impliqua tant et si bien dans le projet que Batatinha repoussa l’enregistrement de son premier album, Toalha da Saudade. Sans qu’il n’en ait jamais donné la raison, la collaboration n’aboutit finalement pas et laissa quelque amertume à Batatinha. Par contre, dans le film, on retrouve son compère Riachão, tel qu’en lui-même, c’est-à-dire tout en joie exubérante…
Le cinéma le rattrapera. En 1986, il apparaîtra dans une autre adaptation d’un roman de Jorge Amado, Jubiabá, sorti sous le titre Bahia de tous les saints en français, qui évoque les amours de Lindinalva et Baldo, elle blanche et riche, lui noir et pauvre. Le film est réalisé par un des grands noms du cinéma brésilien, Nelson Fereira dos Santos, auteur quelques films majeurs dont Rio 40 Graus (1955), Vidas Secas (1963) ou Como era gostoso o meu Francês (1971).
Jubiabá / Bahia de tous les saints a été co-produit par Antenne 2 et la SFP, ce qui explique la présence au générique de Julien Guiomar, Catherine Rouvel, Raymond Pellegrin et Françoise Goussard ! C’est cette dernière qui interprète Lindinalva adulte. On aura aussi le plaisir de croiser dans le film un certain Rémy Kolpa Kopoul, jeune acteur qui n’est même pas crédité au générique mais qui joue au billard avec Julien Guiomar (36ème minute).
Quand Batatinha apparaît en train de chanter (à la 38ème minute), élégant dans son costume blanc trois pièces et sa cravate rouge, c’est encore Julien Guiomar que l’on voit danser. En un instant, deux univers que je croyais jusqu’alors parallèles se télescopent, celui des souvenirs en noir et blanc de la télévision de mon enfance et celui infiniment plus mystérieux du samba de Bahia. Hormis vous qui lisez ces lignes, qui ici connaît Batatinha ? Tandis que Julien Guiomar est une figure familière, le type que tout le monde reconnaît même sans connaître son nom. Il est à Bahia tel qu’en lui-même, à l’aise comme tous ces acteurs qui ont définitivement banni de leur jeu toute sobriété. Il interprète ici Luigi, un rôle assez conséquent ma foi. Je ne spoilerais pas grand chose en révélant qu’à la fin il meure d’un accident de… trapèze !
Je n’ai pas souvenir d’avoir vu Bahia de tous les Saints à la télé quand j’étais môme. Bien que signé d’un nom majeur du cinéma brésilien, le film ressemble à un bon téléfilm en costumes comme on pouvait en voir à l’époque. Si le cœur vous en dit, le voici en version intégrale mais sans sous-titres. Pour quelques secondes de Batatinha…