Pour ce Músicas para Churrasco Vol. 2, la liste des invités s’allonge. Quatre ans après son premier album dédié aux musiques pour barbecue (sic), Seu Jorge renouvelle sa formule mais ses grillades restent toujours aussi épicées en groove ! Le principe demeure, chaque chanson est prétexte à croquer le portrait d’un des invités. Après le meilleur pote, la copine de sa femme et la voisine canon dont on ne ignore encore le nom sur le Vol. 1, cette fois-ci Seu Jorge convie notamment la bipolaire, la copine moche, la fille qui reste collée à son portable et le livreur « Motoboy ».
En cuisine, pour monter la sauce et chauffer la grille, Seu Jorge est toujours entouré du fidèle Gabriel Moura, du talentueux Rogê et de Pretinho da Serrinha. Pas de grande cuisine, une recette simple et roborative, qui donne envie de faire la fête. Seul le dosage des ingrédients change : moins de samba et plus de funk sur ce Vol. 2. Avec son gros son, homogène sur tout l’album, le disque semble plus international ? Normal, quoi de plus universel que les grillades ? Mais c’est préparé à la brésilienne : inimitable ! Les nostalgiques de Carlos Dafé et autres figures du groove local ne risquent pas de faire la fine bouche. D’autant que la voix de Seu Jorge est toujours aussi irrésistible sur les morceaux tendus.
Seu Jorge est aujourd’hui un des artistes les plus populaires du Brésil. Le succès ne va pas sans les reproches. L’image de l’ancien gamin des rues a pu être écornée par sa façon d’étaler sa réussite matérielle. Sa réputation auprès d’organisateurs de concerts ou de festivals, probablement échaudés par quelques déconvenues, est celle d’un type guidé par l’appât du gain. Mais s’il roule dans de grosses voitures et habite une belle maison, Seu Jorge est resté populaire par sa capacité à ne pas se couper de la réalité et à évoquer ses contemporains.
Ses chansons sont festives mais les portraits sont toujours justes et prennent corps. Dans « Ela é Bipolar », le refrain est une description clinique du trouble tandis que le narrateur explique tout ce qu’il a fait par amour pour cette femme malgré la difficulté à comprendre sa maladie. En quelques lignes, Seu Jorge invite à découvrir l’autre au-delà des apparences. Par exemple, la beauté est intérieure, chante-t-il sur « Mina Feia », alors que les filles du quartier se demandent comment un beau gosse comme lui a pu se retrouver avec copine si moche, il est simplement amoureux d’elle et s’en fout…
« Na Verdade Não Tá » est mon morceau préféré, d’abord parce son refrain est hyper-entraînant mais aussi parce que c’est le plus marrant. Le portrait d’une fille accro à son portable, le nez toujours sur son écran qui s’imagine quand même être dans l’ambiance (de la conversation, de la fête) mais « na verdade não tá » !
Certains pourront faire la fine bouche et regretter que ces portraits sur le vif n’aient pas d’autre ambition que d’animer la fête. Ironie du sort, celui qui pratiquait la critique sociale mordante à ses débuts (avec Farofa Carioca) en chantant que « la viande noire est la moins chère du marché » est reconnu aujourd’hui comme un spécialiste ès-grillades ! Devenu un des artistes les plus populaires du Brésil, nul doute que son album servira effectivement de bande-son à de nombreux churrascos dans tout le pays ! Il ne nous reste plus qu’à sortir une bière bem gelada pour être de la partie.