Ao Vivo/Bahia

Caetano Veloso et Gilberto Gil : oh, bonne mère !

Caetano Veloso et Gilberto Gil arpentent l’Europe pour fêter leur cinquante ans de carrière, soit à eux deux Un Siècle de Musique, le titre de leur tournée.  C’est à Marseille, dans le parc du Palais Longchamp, vendredi 24 juillet, que j’ai assisté à leur concert.

La tournée est longue mais ils s’accordent quelques jours entre chaque concert et leur humeur semble au beau fixe à voir les images qu’ils postent au gré de leurs étapes. L’image de Caetano tout sourire en slip dans sa loge a même fait le tour des réseaux sociaux… Les deux amis semblent en pleine forme au moment d’accoster à Marseille.

Caetano Gil Marseille1

Qu’importe les chiffres, cinquante ou cent ans, les voir partager la scène est un événement à ne rater sous aucun prétexte. Surtout quand on vit avec une femme ayant grandi en écoutant leur musique dans un village du Recôncavo proche de Santo Amaro, ville natale de Caetano : ça faisait déjà trois mois qu’on avait acheté nos billets ! Heureusement car le concert affichait complet…

C’était il y a déjà plus de vingt ans que Caetano et Gil avaient fait une tournée ensemble. À l’époque, c’était pour fêter les vingt-cinq ans du Tropicalisme et ils avaient profité de l’occasion pour sortir un disque ensemble Tropicália 2, album qui comptait au mois deux perles « Haiti » et « Desde que o Samba é Samba ». Leur concert à l’Olympia était magique.

Comme en 1994, ils sont seuls sur scène, chacun sa guitare. Le répertoire, comme il se doit, revisite quelques chansons marquantes de leurs carrières respectives. Comme en 1994, ils commencent par quelques titres ensemble, « Coração Vagabundo », puis Caetano chante seul, avant que ce soit au tour de Gil. Cette fois-ci, à la différence de la dernière fois, l’autre reste sur scène plutôt que de s’éclipser.

Bien sûr, nous sommes en territoire familier, il n’y a guère de surprises dans le choix des morceaux. Alors, oui, Caetano chante toujours « Sampa » et « Terra », Gil reprend « Drão », l’hommage composé pour son ex-femme après leur séparation. Difficile de ne pas être saisi par l’émotion et la poésie de ces chansons. Ou par « Não Tenho Medo de Morrer » que Gil interprète en s’accompagnant d’une discrète percussion sur la caisse de sa guitare.

L’heure n’est plus aux grandes envolées vocales même si la voix de Caetano Veloso, à soixante-treize ans, demeure d’une incroyable pureté. Gilberto Gil a aujourd’hui du mal à monter dans les aigus mais sa présence et son charisme suffisent à rendre l’instant magique. Et dès qu’il entonne « Expresso 2222 », puis « Toda Menina Baiana », tout le monde chante les refrains en chœur. À son tour, pendant les rappels, Caetano voudra faire participer le public en lançant « A Luz de Tieta ». Après un « Desde que o Samba é Samba » à la beauté intemporelle, c’est Gil qui aura le dernier mot en chantant « Touche pas à mon pote », morecau qu’il avait composé en français, dans les années quatre-vingt, pour soutenir S.O.S. Racisme. Sans y ajouter de commentaire, nul doute qu’il adressait là un message à la France d’aujourd’hui et à ses nauséabonds replis xénophobes. Le public marseillais y a surtout vu un hommage (involontaire) en entendant les paroles : « maintenant nous venons chercher ici les bras d’une mère, bonne mère » !

Caetano Gil Marseille2

Être ici, debout au premier rang, était bien sûr une meilleure place pour apprécier l’intimisme de leur récital que le Palais des Congrès à Paris. On regrettera seulement que Caetano et Gil n’aient pas cherché à communiquer et parler entre mes morceaux. Leur français est excellent et, surtout, les propos d’un vieux sage et d’un éternel iconoclaste jettent toujours une lumière lucide sur notre monde dont il est dommage d’avoir été privés.

Il y aura d’autres occasions de les voir sur scène mais, ensemble, c’était probablement la dernière fois. Rien que pour cette raison, leur tournée est un événement qui méritait le détour.

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