Criolo revient à Paris. Il sera jeudi 29 janvier sur la scène de l’Alhambra pour présenter son nouvel album Convoque seu Buda. Le 3 juillet 2012, il débarquait pour la première fois en France et se produisait au Cabaret Sauvage. À cette occasion et dans l’optique d’attirer l’attention sur l’événement, je l’avais interviewé quelques semaines plus tôt pour le magazine Vibrations et qui devait être publié dans la rubrique Premières Fois (du n° 146). Pour saluer son retour, j’ai donc décidé de publier ici cet entretien, le premier de Criolo pour la presse française. Une exclusivité que nous sommes fiers de partager ici.
Après vingt ans d’underground hip-hop à la périphérie de São Paulo, Criolo s’est révélé avec l’album Nó na Orelha où il combine chant et rap, samba et afrobeat. Avec l’émotion à fleur de peau et un incroyable charisme, le phénomène arrive en Europe sans oublier d’où il vient.
O. C. : Premier livre appartenant à ta mère que tu aies lu ?
Criolo : Je ne me souviens pas d’un livre en particulier mais il y en avait beaucoup. Ma mère est une personne très spéciale. Elle est autodidacte. Et même si on habitait une maison de bois, elle cherchait toujours de la poésie pour embellir notre quotidien. Et parce qu’on n’avait plus de quoi se payer les meubles, que nous n’avions pas de sofa, les gens devaient s’asseoir sur des piles de livres.
Première découverte du rap ?
Les Racionais MC’s, dès leurs débuts. Ils m’ont marqué parce que leurs musiques sont fortes et touchent le cœur des gens. Mais mon premier souvenir, c’est les types qui faisaient du rap dans mon quartier, ou dans mon école. J’avais onze ans. J’ai senti qu’il y avait une magie dans les mots. Je m’y suis identifié et je n’ai pas arrêté.
Premières rimes dont tu sois encore fier ?
Le plus important, ça a été d’appartenir à quelque chose. Parce que notre vie était dure et que tout ce qui était bon nous semblait loin, me sentir capable de faire quelque chose de positif et contribuer à ce mouvement, c’était très touchant. Ce fut mon éducation musicale.
Premier moment où tu comprends que tu deviens un phénomène ?
Pour moi, c’est encore difficile de comprendre. Je suis entouré de gens qui me transmettent une bonne énergie. Mon ami Ricardo Costa (Matilha Cultural) m’a présenté Marcelo Cabral, puis Cabral m’a présenté Daniel Ganjaman. Et tous les deux m’ont aidé à réaliser ce disque. Ils sont maintenant comme des frères. Ils m’ont toujours soutenu dans le processus de cet album et ont respecté toutes les folies qui me traversaient la tête.
Je ne vois pas de différence, je continue à être la même personne parce que ce que je fais aujourd’hui : chanter, rapper, écrire, je le fais depuis vingt ans. C’est ma contribution. Parce qu’en vingt ans, il y a des gens qui m’ont encouragé, qui ont eu des mots pour m’aider, qui m’ont tendu la main. Et dans les moments difficiles, il y avait toujours des paroles de rap et des musiques merveilleuses qui me soutenaient.
Première rencontre avec Caetano Veloso (qui chanta en duo « Não Existe Amor em SP ») et Chico Buarque (qui intègre les paroles que Criolo a ajouté à « Cálice ») ?
Caetano ? Tranquille, c’était tranquille. C’est un poète. Et je suis poète aussi, non ? Alors, ça n’a pas été trop dur de se connecter. C’était un honneur pour moi. Une grande surprise. Chico Buarque, je l’ai rencontré lors d’un de ses concerts.
Première fois que tu as été invité à chanter sur le disque d’un autre ?
Sur plusieurs disques de groupes de rap de mon quartier. Pour faire des refrains. Les gens sont surpris de me voir chanter mais ceux qui m’accompagnaient il y a quinze ans connaissent cette facette. Même si elle était un peu en sommeil, quelque chose que je gardais pour moi. Je chante aussi sur le disque de Rodrigo Campos (Bahia Fantástica). C’est un grand compositeur, très original. Il a participé à Nó na Orelha. On est devenu amis et on a des affinités parce que lui aussi vient de la périphérie de São Paulo.
Première tournée européenne ?
Je suis très anxieux. C’est un grand honneur, une chance unique de rencontrer de nouveaux peuples. C’est le plus grand rêve de ma carrière… De confronter les informations qui me parvenaient dans mon quartier sur Paris et le hip hop local, MC Solaar ou IAM. Ce n’est pas une conquête pour moi mais pour toute ma génération.