Appelons ça une séance de rattrapage alors que pointe la fin de l’année et les listes d’albums favoris… Sorti fin 2013, le premier album du groupe Aláfia fut le véritable coup de cœur de la longue période d’inactivité d’Afro-Sambas.fr ! Alors que nous venons de présenter Mergulhar Mergulhei, le nouvel album de Pipo Pegoraro, l’heure est idéale pour revenir sur l’heureuse formule proposée par la bande à Eduardo Brechó dans laquelle Pipo officie comme guitariste.
Le gros plan sur le pop corn qui illustre la pochette de l’album est un symbole trompeur. Si leur musique peut bien nous éclater à la figure comme ce grain de maïs sous l’effet de la chaleur, sa forme n’est pas aussi imprévisible et aléatoire. Au contraire, malgré la diversité de ses références, Aláfia garde une totale maîtrise de son univers afro funk. très structuré et cohérent.
Le nom du groupe résume bien la démarche : aláfia est un mot yoruba qui signifie chemin ouvert. Il dit donc la liberté de ses membres de puiser à toutes les sources et emprunter les voies qu’ils souhaitent. Il dit aussi son attachement aux racines culturelles africaines encore ostracisées au Brésil et le refus de la superficialité. Assurément militant, Aláfia réfute l’idée d’une « África teórica« . Pour ne pas en rester à la théorie, l’Afrique est peut-être un non-lieu pour eux, c’est surtout un principe d’auto-formation, « une révolution intérieure permanente« *.
Pour étayer son discours, Aláfia emprunte donc autant au funk qu’au hip hop, au candomblé ou à la soul pour inventer sa propre route. Ses influences s’étirent de George Clinton à Caetano Veloso à qui est dédié « Dara Dara ». Ou d’Ogun, « le Dono da minha cabeça », à Stevie Wonder… Sans jamais perdre son originalité et en inventant un son résolument personnel. Si Eduardo Brechó signe la plupart des compositions, il en partage l’interprétation à trois voix avec Jairo Pereira et Xênia França « la libellule d’ébène » (sic). À la dizaine de membres du groupe, la base collective nécessaire à la concoction d’un bon funk, vient s’ajouter les cordes du quatuor Alma Negra, ainsi que la rappeuse Lurdez da Luz que l’on entend sur un titre et qui participe à l’écriture de quelques autres.
Pour ce premier album, Aláfia semble aussi à l’aise dans les morceaux au groove contagieux (comme « Kwa Lé Ki Pá (Baile Black) » ou « Mais Tarde ») que dans les chansons où le tempo ralentit pour que la voix de Xênia França et son grain se fassent plus émouvants (« O Homem que virou música », par exemple).
Si l’an dernier le blog s’est trouvé réduit au silence, ce n’est pas que j’étais parti pour Croatan mais, tout simplement, que j’étais trop occupé par mes travaux. L’album d’Aláfia est celui que j’ai le plus écouté pendant ces mois où la maison n’était plus qu’un chantier ouvert à tous les courants d’air, pendant les mesures et les peintures, les découpes et les enduits, les parquets et les placos (le BA13 pour les intimes…), le coup de cœur qui tournait en boucle, peut-être aussi parce que mes mains étaient trop sales pour changer de son…
Aláfia fait partie des artistes sélectionnés pour bénéficier en 2015 du mécénat de Natura Musical. Certainement aurons-nous prochainement l’occasion de parler ici de sa prochaine étape sur le chemin ouvert qu’il s’est créé…
Et dire que cette merveille d’album est proposé en téléchargement gratuit par le groupe !
Aláfia (2014) (mp3 320 kbps)
01. Mulher da Costa
02. Ela é favela
03. Homem que virou música
04. Kwalé Ki Pá (Baile Black)
05. Mais tarde
06. Em punga
07. Dono da minha cabeça
08. Pura
09. Chicabum
10. Dara dara
11. Pera lá
* Voir à ce sujet l’article du Groupe d’Etudes en Géophilosophie, « Aláfia – África para além da especulação »