1942 est décidément une année unique pour la musique brésilienne. C’est l’année de naissance de quelques-uns de ses plus grands artistes. Ils ont soixante-dix ans cette année et nous leur rendons hommage à la date de leur anniversaire. De cette génération exceptionnelle, Tim Maia qui aurait fêté aujourd’hui, 28 septembre, est le seul à ne plus être parmi nous. Est-ce une surprise ? Quand les autres adoptaient un mode de vie des plus sains (alimentation macrobiotique, sport, sobriété…), Tim Maia se donnait toujours à fond et ne mit jamais le moindre frein à ses addictions diverses… Jusqu’à ce 15 mars 1998 où il fut victime d’une attaque fatale.
Tim Maia occupe une place à part dans l’histoire de la musique brésilienne. Il y a ouvert une voie inédite et, à sa façon, a contribué à redéfinir l’identité des Noirs brésiliens.
Le Brésil de la dictature militaire était un pays nationaliste et refermé sur lui-même. Ce protectionnisme culturel explique aussi pourquoi le mouvement Tropicaliste, apparu aux alentours de 1967, provoqua une telle déflagration et combien sa réappropriation du Manifeste Anthropophage de Oswald de Andrade était provocante. Derrière Caetano Veloso et Gilberto Gil, toute une génération découvrait les frissons du rock américain et de la pop anglaise et intégrait cette influence pour inventer sa propre musique. Comme avant lui Jorge Ben, Tim Maia a lui aussi été un adepte de cette ouverture sur les musiques nord-américaines. Mais des Tropicalistes, il est le pendant noir, se passionnant pour la soul et le funk comme personne avant lui au Brésil.
Car Tim Maia est le plus grand chanteur de soul qu’ait connu le pays, car Tim Maia est le premier a avoir fait vibrer le groove du funk dans les quartiers de Rio. Sebastião Rodrigues Maia, né le 28 septembre 1942 dans le quartier de Tijuca, se passionne très jeune pour la musique et notamment le rock ‘n’ roll de l’époque, ce qui lui vaut d’être affublé du même surnom que celui qui deviendra son ami, Jorge Ben. Tous les deux ont été affectueusement appelés « Babulina » en raison de leur prononciation de « Bop-a-Lena » avec l’accent carioca. Il fonde un premier groupe, Os Tijucanos do Ritmo, fréquente ceux qui vont devenir les vedettes de la Jovem Guarda, Roberto Carlos et Erasmo, à qui il apprend à jouer de la guitare. Les choses sérieuses commencent quand il monte The Sputniks avec Roberto Carlos. En 1959, la période douloureuse qui accompagne leur séparation et la mort de son père l’incitent à partir pour les Etats-Unis. Arrivé à New York avec 12$ en poche et trois mots d’anglais, il se débrouille pour exercer des petits boulots en même temps qu’il poursuit son aventure musicale à la découverte de la soul et des musiques noires. Le jeune homme encore glabre et mince intègre The Ideals avec qui il s’essaie à la composition.
Il anglicise son diminutif Tião en Tim, plus simple pour le public anglophone, et se verrait bien faire carrière aux States. Mais celui qui dit avoir appris le malandragem là-bas, se retrouve, en 1963, arrêté en possession de marijuana. Après six mois derrière les barreaux d’une prison de Floride, c’est le moment de rentrer au pays.
Entretemps, Roberto Carlos est devenu une vedette. Il l’invite dans son émission de télé, puis quand il l’aide à enregistrer un 45 Tours, nous sommes déjà en 1968. Il faudra encore deux ans à Tim avant de sortir un premier album et essayer de faire découvrir la soul music à un pays pour qui la musique noire a pour nom samba. De fait, il est un des pionniers de ce qui va devenir le mouvement Black à Rio, inspiré des musiques, mode et thématiques afro-américaines. Si, avec le groupe Abolição en 1971, le pianiste Dom Salvador signe un album devenu mythique, Sangue Suor e Raça, c’est un essai sans lendemain par celui qui trouve dans le trio sa formule de prédilection. Tim Maia est donc véritablement celui qui se dédie à la soul, plonge dans le funk puis la disco. Tous les Gerson King Combo et autres Banda Black Rio doivent quelque chose à Tim Maia pour l’élan qu’il a impulsé. Et c’est en creusant cette veine qu’il va rencontrer le succès .
Tim Maia a réussi à devenir à la fois une énorme vedette populaire et un artiste culte chéri des spécialistes. C’est un véritable grand écart que d’être capable de toucher à la fois le grand public qui aimait ses chansons sentimentales, tendance brega, portées par une voix rare, et les DJs et autres crate-diggers, tous archéologues du groove, qui découvrent de véritables pépites dans son funk incandescent.
Au-delà de sa musique, Tim Maia exerce une fascination pour ses excès et ses dérives qui ne sont finalement que les manifestations de son irrépressible envie de liberté. Car peu d’artistes peuvent se vanter d’en avoir autant fait à sa tête que lui… De sa consommation de drogues au passage par la secte de l’Universo en Desencanto, sa période Racional, la vie de Tim Maia est un roman. Une facette du personnage que l’on retrouvera dans les prochains épisodes de cet hommage.
A suivre…
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