Les Racionais MC’s sont de retour. LE groupe de rap brésilien le plus street cred’ et cultissime qui soit, s’apprête à sortir un nouvel album, après dix ans de silence. Il a déjà lancé cette année un DVD Mil Faces de um Homem Leal et vient de décrocher le trophée VMB du Meilleur Clip de l’Année pour l’illustration vidéo de leur morceau « Marighella », hommage à Carlos Marighella, opposant à la dictature militaire assassiné en 1969.
C’est lors de mon premier séjour au Brasil, en 1999, que je découvrais impressionné les Racionais MC’s à travers leur album Sobrevivendo no Inferno, sorti en 1997. L’imagerie et les tenues des membres du groupe étaient frappantes : tout de noir vêtus, portant chapeau melon et crucifix, une bible à la main. Leur musique était d’une noirceur absolue même quand ils samplaient le « Jorge de Cappadocia » de Jorge Ben. J’apprenais par la suite que Mano Brown, Ice Blue, Edy Rock et KL Jay étaient les véritables icônes des quartiers défavorisés de tout le Brésil des ghettos et favelas. C’est à la périphérie de São Paulo, qu’ils ont commencé, il y a déjà près de vingt-cinq ans.
Le groupe s’est forgé une réputation d’intransigeance rare mais, s’il s’est toujours méfié des médias, il fut déjà récompensé par un trophée VMB, en 1998, le prix du public du Meilleur Clip pour « Diário de um Detento ». Ces réjouissances ont beau être organisées par MTV Brasil, éminent symbole d’une industrie culturelle prédatrice, il faut parfois introduire le loup dans la bergerie ou, autrement dit, adopter la stratégie du Cheval de Troie, s’infiltrer dans le système pour mieux le dénoncer…
Pour leur retour, Mano Brown et les Racionais MC’s ont choisi de rendre hommage à une figure mythique de l’opposition à la dictature. Né à Salvador de Bahia en 1911, Carlos Marighella* a longtemps été membre du Parti Communiste Brésilien. Après avoir connu les prisons et la torture, c’est en 1969, peu de temps avant d’être assassiné par la police qu’il rédigera son Manuel de Guérilla Urbaine, devenu l’ouvrage de référence de tout apprenti rebelle et dont notamment les Brigades Rouges et l’IRA ont mis en pratique les leçons.
Réalisé par Daniel Grinspum, lui-même petit-fils (ou arrière-petit-fils ?) de Marighella, le clip alterne la reconstitution historique montrant, en 1969, la fameuse intervention venue pirater les ondes de Rádio Nacional avec d’autres passages qui ne dérogent pas à la figure obligatoire de tout clip de rap : le type face caméra qui lâche ses rimes le regard sombre. Ici, Mano Brown est particulièrement efficace dans l’exercice, le bonnet enfoncé jusqu’aux sourcils soulignant que le type n’est pas la pour rigoler alors que sa voix grave et son flow bien posé auront fini de mettre en garde les plaisantins…