Les jeunes Brésiliens n’en finissent pas de découvrir les musiques africaines. Le phénomène n’est pas une mode, il traduit au contraire des aspirations plus profondes, sincères même si parfois confuses. Ainsi, on ne compte plus les groupes s’inspirant de l’afrobeat inventé par Fela Kuti pour l’interpréter à la sauce brésilienne. L’album d’AfroElectro, sorti le mois dernier en téléchargement gratuit, marque une vraie évolution du rapport des artistes brésiliens à ces musiques africaines. En effet, le groupe brasse un spectre plus large que le seul afrobeat.
AfroElectro est un groupe de São Paulo où l’on retrouve des musiciens au solide bagage, rassemblés autour du batteur Sérgio Machado, clé de voute de la formation, et du guitariste Michael Ruzitschka. Machado a accompagné tout le monde, de João Donato à Toninho Horta, en passant par CéU ou Kiko Dinucci. Il a également été membre du groupe de Siba (ex-Mestre Ambrósio). Michael Ruzitschka, lui, faisait partie du groupe de Chico César. Quant au percussionniste Maurício Badé, lui aussi passé dans les rangs de Mestre Ambrósio, il fait désormais partie des musiciens de Criolo que le public français a pu découvrir sur la scène du Cabaret Sauvage, en juillet dernier. Egalement dans le coup, João Taubkin à la basse et Denis Duarte aux samples et percussions…
Quand Sérgio Machado et Michael Ruzitschka fondent le groupe, en 2009, leur intérêt pour la musique africaine ne se limitait pas à l’afrobeat. Et parce que ces dernières années ont été marquées par le rock du désert de Tinariwen ou par le son dévastateur des likembés distordus tradi-modernes, on sent logiquement dans leur travail les influences touarègue, gnawa, congolaise ou mandingue. A savoir, que le groupe pioche aussi bien dans les musiques pré-world que dans les artistes d’aujourd’hui. On se doute bien que AfroElectro sera infiniment plus curieux des dernières rééditions des labels Strut ou Soundway que, disons, du nouvel album d’Angélique Kidjo. Parmi ses artistes favoris, le groupe cite Konono n°1 et Kasaï All Stars, publiés dans la collection Congotronics, le Staff Benda Billi, toujours au Congo, Os Kiezos, Urbano de Castro ou Oscar Neves pour le semba d’Angola des années soixante, ou des artistes maliens comme Oumou Sangaré, Rokia Traoré ou Ali Farka Touré. Sans oublier Fela Kuti, bien sûr.
« L’afrobeat a inspiré de nombreux groupes et a donc attiré l’attention de la critique musicale. Mais il existe de nombreux styles en Afrique et c’est ça qu’on essaie d’explorer. On peut s’attendre à voir apparaître du samba mêlé au son du gnawa marocain, du tambor de Criola avec des rythmes du Sénégal… Tout ça, c’est black… », expliquent Sérgio Machado et Michael Ruzitschka.
Car, au Brésil, jouer des musiques africaines est toujours une façon de redécouvrir sa propre histoire. Si l’ambition de AfroElectro est de faire découvrir à ses compatriotes la richesse musicale de l’Afrique, c’est aussi d’attirer leur attention sur leurs propres traditions : Coco de Zambê, Cavalo Marinho, Boi Bumba, Tambor de Crioula, etc… , trop souvent négligées ou méprisées.
Après cette myriade de références parfaitement maîtrisées par les musiciens, on est presque étonné que le groupe ait choisi ce nom-là car d’électro, il n’y en a finalement guère dans sa musique. Tandis que ses guitares tranchantes nous inviterait facilement à penser que le groupe s’appelle AfroRock…
Pour ce premier album après beaucoup de scène, et notamment l’animation des soirées Bafafa, AfroElectro peut s’enorgueillir d’avoir des invités prestigieux dont Chico César, Siba et Kiko Dinucci. « Avec eux, le processus créatif a été très fluide en studio. Siba a improvisé les rimes et la partie de rabeca dans l’heure, Chico a lâché son côté Salif Keita et Kiko est venu avec une composition géniale« .
En attendant la sortie prochaine de Metá Metá 2, un des plaisirs que nous offre cette album est bien de découvrir un nouveau morceau de Kiko Dinucci, « Logun ». Il est profondément empreint de spiritualité afro, comme souvent chez lui, et est assurément un sommet de l’album.
Parmi les autres temps forts, le « Padinho » d’intro chauffe d’emblée pour nous mettre dans le vif du sujet. « Sika Blawa », avec Chico César au chant, réinvente à la façon de Cyril Atef dans CongopunQ le son tradi-moderne des Konono n°1 et autres Kasaï All Stars. Quant à leur relecture du « Cala Boca Menino » de João Donato avec un sample de ngoni lancinant, elle souligne le caractère entêtant du morceau.
Dépassant le cadre de la seule musique brésilienne dont le cercle des vrais aficionados est, on le sait, bien trop restreint, AfroElectro a tout pour attirer l’attention des amateurs de fusions afro-contemporaines, de Radioclit à Batida, et susciter une curiosité internationale…
AfroElectro (2012) (en mp3 256 kbps à télécharger sur le site officiel du groupe)
01. « Padinho »
02. « Logun » (de et avec Kiko Dinucci)
03. « Sambada » (avec Siba)
04. « Omin »
05. « Sika Blawa » (avec Chico César)
06. « Batuque Banto »
07. « Pra Sonhar »
08. « Cala Boca Menino »
09. « 2012 »
hum ça a l’air top. bon on te sent modéré dans l’enthousiame mais rien que d’avoir un nouveau morceau de kiko dinucci me suffit !