Pour rassembler une fois de plus les deux amis de Salvador fraîchement septuagénaires, voici un témoignage précieux que vient de poster Um Que Tenha, cette véritable mine où les amateurs de musique brésilienne se retrouvent pour compléter leur collection. On y retrouve Caetano et Gil sur scène au sommet de leur art. Leur formidable concert à l’Olympia dont je garde un souvenir ému, peut en témoigner. Il s’agit de l’enregistrement de la tournée qui accompagnait la sortie de Tropicália 2. En 1993, par cet album en duo, ils fêtaient ensemble le vingt-cinquième anniversaire du Tropicalisme et de son album fondateur Tropicália : ou Panis et Circenses.
Tropicália 2, le disque
Chose rare, Tropicália 2 était la hauteur de l’importance de l’événement quand souvent ce genre de commémoration ne parvient pas à se défaire d’une odeur de naphtaline. L’album comprend une majorité de titres composés par Gil et (surtout) Caetano, ainsi qu’une paire de reprises qui font sens : « Cada Macaco no seu galho » du sambiste bahianais Riachão qu’ils avaient déjà chanté en duo sur l’album Expresso 2222 de Gil et « Wait Until Tomorrow » de Jimi Hendrix dont ils sont tous les deux fans.
On trouve deux chefs d’œuvre sur Tropicália 2, tous les deux signés par Caetano. L’album s’ouvre « Haïti », un rap ralenti bouleversant qui témoignait de leur aisance à toujours digérer, en bons anthropophages culturels, les influences nouvelles. Il se conclue sur « Desde que o Samba é Samba », d’un classicisme d’une rare pureté, sublime (« O samba é o pai do prazer / O samba é o filho da dor« ).
Up From the Skies, le concert
Si pour les accompagner sur le disque, on trouvait une équipe fournie de grands musiciens, dont notamment Carlinhos Brown et Jaques Morelenbaum, ils se présentèrent seuls sur scène. C’était en 1994 qu’ils vinrent présenter l’album en Europe, soit vingt-cinq après leur fameux concert d’adieu avant l’exil, Barra 69. Cette tournée se déroulait pendant la coupe du monde aux Etats-Unis et les deux amis firent bien évidemment des allusions à l’événement les soirs de matches en saluant Romario et Bebeto (s’exclamant même « Baiano Bebeto !« ), les deux attaquants de cette Seleção qui allait remporter la coupe.
Caetano et Gil se sont partagés la scène, ensemble puis à tour de rôle, avant de finir réunis. Chacun interprétant quelques classiques de son répertoire et, ensemble, des titres de Tropicália 2.
Je m’étais bien sûr précipité à l’Olympia pour ne pas rater l’événement. J’y avais déjà découvert Caetano, qu’à l’époque je regardais avec les yeux de Chimène, un ou deux ans plus tôt lors de la tournée Circuladô, mais ce soir-là, c’est Gil, que je n’avais encore jamais vu sur scène, qui m’impressionna le plus. Quand il se lança dans son set en solo, tout seul avec sa guitare, il ne lui fallut pas plus de quelques instants pour faire chanter et battre des mains toute la salle. Irrésistible sur les classiques « Aquele Abraço » et « Toda Menina Baiana », il révélait également toute la beauté allègre de titres récents plutôt empesés dans leur version studio : « Serafim », « Palco ».
Caetano et Gil étaient tous deux en grande forme, leur chant d’une pureté formidable. J’étais tout simplement émerveillé d’entendre leurs voix sans aucun artifice. Je les ai revus par la suite sur scène mais je ne crois pas qu’ils aient jamais chanté aussi bien que lors de cette tournée commune. Il m’est même arrivé d’être déçu par Gil, du temps où il était ministre, trouvant que sa voix avait perdu de n’avoir plus le temps d’être travaillée (en fait, il avait eu un polype). Voire par Caetano, grippé à la Cité de la Musique…
A l’époque, j’avais enregistré sur cassette la diffusion de leur concert à Lyon et j’ignorais qu’un enregistrement de la tournée, réalisé en Italie, était sorti par la suite. A l’heure où l’on exhume des albums live de Caetano avec David Byrne, enregistré en 2004, ou en compagnie de l’insipide Maria Gadú, on serait bien inspiré de redécouvrir celui-ci où, en compagnie de son plus grand complice, il est dans la plénitude de ses moyens…
Sur la Toile, on trouve également des témoignages en vidéo de cette tournée, ici captés à Rio, et même si les images sont d’une qualité déplorable, j’en partage un extrait, ici leur version de « Filhos de Gandhi »…
Et pour ceux qui seraient curieux de découvrir l’album, suivez le lien vers Um Que Tenha :
Caetano Veloso & Gilberto Gil, Up From the Skies / Live in Italy (1994) (mp3 320 kbps)
Salut Olivier, j’avais eu la chance de voir ce concert en 93 à Rio (Praça da Apoteose) dans une version avec groupe -dont Carlinhos Brown faisait partie- Grand souvenir dont j’ai gardé un T shirt de la tournée, autographé par ls 2 artistes. Il y était inscrit « Quem? », en rapport à un titre du disque. Je n’ai jamais porté » le t shirt pour ne pas le laver !! Mais de toute façon il serait trop petit pour moi maintenant…et oui, avec les années, on maigrit rarement!! :)) bien à toi…daniel
Salut Daniel, je crois ça aurait été un vrai dilemme si j’avais eu ce t-shirt : le porter ou pas ? Et, tu as raison, avec le poids des ans…