Il faut le savoir, à Rio, de nombreux sambistes détestent le funk local, celui qui est né il y a une trentaine d’années dans les favelas de la ville. Au-delà du conflit de génération, c’est sa vulgarité qui fait frémir, son obsession du cul, ses paroles explicites en même temps que ses métaphores énormes… Mr. Catra est la grande vedette du funk carioca, un vétéran qui a sorti le genre de son ghetto sans jamais se trahir, ni renier son fondement, un type resté indéfectiblement fidèle à la rime crue. C’est lui qui vient tendre un pont et brandir l’étendard de la réconciliation en lançant Com Todo Respeito ao Samba.
Wagner Domingues da Costa, aka Catra, avait-il quelque chose à se faire pardonner, comme « Mama », cet infâme duo avec Valesca Popozuda (sic) dont on voudrait protéger les mineurs ? Nous écarterons cette hypothèse mesquine car la bonne et simple raison à cet album, c’est qu’en Carioca qui se respecte, Catra a le samba qui bat au fond de son cœur quand il laisse tomber les oripeaux du MC qui enflamme le baile de sa grosse voix caverneuse.
Fini le flow viril, Catra chante, ma foi, avec beaucoup d’aisance. En quelques occasions, il ose même un répertoire sentimental, du genre qui s’englue sans vergogne dans le sirupeux… Heureusement, sur la plupart des titres, il privilégie un bon balanço. Pour réussir cette conversion, il a signé plusieurs morceaux avec Márcio Local (dont le premier album Samba Sem Nehum Problema était sorti à l’international sous le titre Adventures in Samba Soul, publié par Luaka Bop, le label de David Byrne), repris un autre de Sérgio Meriti (celui de « Bons Momentos » ?), se fait accompagner par le groupe de pagode Skema Novo sur mon titre préféré de l’album, « Triste Fim da Mina » qui balance carrément vers un samba-rock à la Seu Jorge. Un titre que je vous laisse écouter ci-dessous…
A l’arrivée, si le projet en surprendre plus d’un, on reconnaîtra la tentative des plus honorables et on ne doutera pas de la sincérité de Catra. Parce que les flows en tous genres et leur scansion des mots souffrent encore de préjugés, comme tant d’autres rappeurs avant lui, Catra gagnera-t-il en reconnaissance maintenant qu’il chante ? Quant au respect qu’il voue au samba, lui ouvrira-t-il en retour quelque respectabilité ? Personnellement, je regrette que dans l’exercice, Catra ne nous balance pas le moindre de ses aboiements caverneux. Un album de Catra sans sa grosse voix de funkeiro, c’est un peu comme un match où Neymar ne tenterait pas le moindre dribble, il y manque quelque chose…
Mais pour vous faire une idée plus complète de l’album, autant le télécharger directement, comme nous y invite son auteur…
Mr. Catra, Com Todo Respeito ao Samba (2012) (mp3 192 kbps)
1. « Swing 021 »
2. « Triste Fim da Mina »
3. « Só Não Pode Me Bater »
4. « Baseado na Lei do Samba »
5. « Eu Só Quero Paz »
6. « Chapa Quente »
7. « Happy End »
8. « Mangueira é uma Mãe »
9. « Tão Lindo »
10. Essência de Poeta »
11. Sua Foto »
12. Evolução »
13. Minha Vida É um Milagre de Deus »
J’ai écouté l’album (merci pour le lien !) et j’avoue un sentiment mitigé. Un peu comme quand Marcelo D2 a enregistré son Tribute to Bezerra da Silva, la question sous-jacente est : pour quoi faire ?
Parce que l’apport de Mr Catra à la samba dans ce disque (pardon, « au » samba, Docteur !) est à peu près nul. Certains morceaux sont carrément faiblards (Eu so quero paz et sa minable descente Am G F E7…) Le son synthé violoneux colle aux doigts. Personnellement je trouve sa voix de chanteur sans grand intérêt. Ce qui n’empêche pas certains morceaux d’envoyer du bois (Essencia da Poeta, Chapa Quente, Triste fim da Mina). L’ensemble hésite entre néo-samba de raiz et sambalanço façon Rogê ou Seu Jorge.
Oui, mais la samba est aujourd’hui le coeur qui fait battre la musique à Rio, Lapa se remplit de centaines de milliers de cariocas tous les samedis soirs, et on ne refuse pas un marché pareil, surtout dans la perspective d’une prochaine exportation. Comme le prouve aussi la participation de Mr Catra à la chanson écrite par Arlindo Cruz, Rogê et A. Neto en prévision des JO de 2016… Voir : http://bossanovabrasil.fr/la-samba-des-jeux-est-signee-arlindo-cruz-roge-et-arlindo-neto-1311673.html