Pour le centenaire de Jorge Amado, nous avons choisi l’hommage en chansons et c’est une véritable anthologie de la musique brésilienne qui s’offre à nous. Après Batatinha et Tom Jobim, avant Caetano Veloso, c’est Chico Buarque de Hollanda qui y va de sa composition pour l’adaptation de Dona Flor et ses deux maris. Pas n’importe laquelle, une de celles ayant franchi l’Atlantique pour devenir un tube en version française…
Car ne nous leurrons pas, Chico Buarque a beau être un astre de la musique brésilienne, son heure de gloire ici ne dura que le temps qu’une de ses chansons (« Essa Moça Tá Diferente« ) serve à vendre un soda à l’amertume prononcée. Parmi les mêmes qui s’exaltaient sur combien la chanson était trop sensuelle, son balancement langoureux, les fesses des filles, etc…, combien avaient fait le rapprochement avec l’auteur adapté par Claude Nougaro ? Chico a composé « O que Será » pour le film Dona Flor et ses deux maris et Nougaro l’a adapté en « Ah Tu Verras »*. Et il en a fait un des sommets de la chanson française, comme beaucoup d’autres de son répertoire, soit dit en passant. A une paire d’exceptions près, Nougaro est, en outre, le seul à s’être approprié quelque chose de la musique brésilienne de manière crédible.
Tout le monde connaît « Ah Tu Verras » : dans les années quatre-vingt, même Les Ablettes petit groupe de rock alternatif originaire de Fumel, Lot-et-Garonne, en avait proposé une reprise. Mais bien sûr, on ignore en général que Chico en est l’auteur.
Une chose est sûre, la chanson de Chico a mieux vieilli que le film de Bruno Barreto. Le roman de Jorge Amado possède sa truculence habituelle et défend l’amour physique contre les alliances de raison. L’intrigue tient en deux lignes : Floripides se marie avec Vadinho, beau gosse mais fêtard si intenable qu’il meurt en plein carnaval. Veuve, elle épouse alors l’ennuyeux et respectable Teodoro. Mais à force de se languir des étreintes du premier, il lui réapparaît. D’où un ménage à trois à la sauce Amado. Le film, tourné dans le Pelourinho à Salvador, en est, à mon goût, une plate illustration. Malgré le charme de Sônia Braga… Dona Flor e seus dois maridos est un vrai succès au Brésil où il atteint les 12 millions de spectateurs… Lequel succès doit beaucoup à son érotisme et donc au charme de Sônia Braga. Un charme si irrésistible que Robert Redford sur le tournage de Milagro, en 1988, n’y résiste pas et divorce (après vingt-sept ans de mariage, dixit Wikipédia) pour aller vivre avec elle.
Dans le film, on retrouve trois versions de « O que Será » : « Abertura », « À Flor da Pele » et « À Flor da Terra » qui ponctuent différents passages du film et qui sont interprétées par la chanteuse Simone. Toujours en 1976, Chico Buarque en enregistre sa propre interprétation, en duo avec Milton Nascimento, sur son album Meus Caros Amigos.
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* Nous passerons sous silence « Tout ce qui est deviendra’, la version qu’en a proposé Nicole Croisille…