« No fundo do mato-virgem nasceu Macunaíma, herói de nossa gente. Era preto retinto e filho do medo da noite », c’est par ces mots envoûtants que s’ouvre Macunaíma Ópera Tupi, le premier album solo, de Iara Rennó. Tout bonnement une des œuvres les plus ambitieuses qu’ait proposé la musique brésilienne ces dernières années. Une tentative d’art total qui part de Macunaíma, le roman de Mário de Andrade, en propose une adaptation musicale inspirée d’une grande variété de styles et, enfin, se traduit sur scène par un concert-ballet.
Fallait-il du culot pour se lancer dans l’adaptation musicale du plus grand roman brésilien du XXe siècle, le Macunaíma de Mário de Andrade ? Une confiance en son talent, de l’inconscience ou de l’arrogance ? Une sacrée ambition artistique pour le moins.
Iara est une enfant de la balle, elle est la fille d’Alzira Espindola, chanteuse et compositrice, et de Carlos Rennó, parolier et journaliste. Tous deux acteurs de la Vanguarda Paulista dont Itamar Assumpção et Arrigo Barnabé sont les figures majeures et qui se caractérise par le goût de l’expérimentation sans concession, une avant-garde, comme son nom l’indique, mêlant le funk et le samba aux musiques savantes. Iara a d’ailleurs débuté comme choriste dans le groupe d’Itamar.
Sa carrière personnelle commence vraiment avec le groupe Dona Zica où l’on retrouve notamment Anelis, fille d’Itamar, Gustavo Ruiz, frère de Tulipa, ou encore Andreia Dias, et dont le deuxième et dernier album Filme Brasileiro, en 2005, est produit par le redoutable Guizado, trompettiste. Dona Zica est rétrospectivement considéré comme l’élément qui préfigurait une nouvelle scène indépendante de São Paulo.
Mais déjà à l’époque de Dona Zica, Iara est en train de mûrir ce projet fou d’adaptation musicale du roman de Mário de Andrade. Dans celui-ci, il évoque les liens complexes entre les trois peuples qui fondent le Brésil, indien, noir et blanc. Macunaíma naît noir d’une mère indienne avant de devenir blanc. Avec Oswald de Andrade (qui, malgré l’homonymie, n’est pas son frère mais son ami), Mário de Andrade est une des figures majeures du modernisme au Brésil. Sa littérature est ainsi riche en symboles et revisite les mythes fondateurs du pays pour mieux les saccager.
Iara Rennó a toujours été frappée par la musicalité de ce texte sur lequel elle a eu l’occasion de travailler pendant ses études de lettres. « Mário de Andrade lui-même, explique-t-elle, reconnaissait ce caractère musical en définissant son œuvre comme une rhapsodie, renvoyant aux chants populaires« *. Cette musicalité « était latente dans les strophes mais j’ai vu que même la prose était rythmée« , poursuit-elle.
Pour mettre en musique cette œuvre anthologique de la littérature brésilienne, Iara s’est entourée d’une équipe formidable de musiciens donnant leur couleur spécifique à chacun des morceaux. Dans le désordre, on retrouve Tom Zé, Siba, Moreno Veloso, Buguinha Dub, les Barbatuques, Kassin, Arrigo Barnabé, Maurício Takara, Daniel Ganjaman, Guilherme Held, Funk Buia, Tetê Espíndola, Anelis Assumpção, etc, etc… Une distribution de rêve qui traduit justement la démarche de Andrade, comme l’explique Iara : « c’était naturel, comme le faisait Mário de Andrade dans ses recherches folkloriques, de chercher des gens de lieux er de styles différents. Je crois que ça ne rend pas le disque facilement ‘catégorisable’« . C’est le moins que l’on puisse dire…
L’album est riche en arrangements de cordes, cuivres et tout le toutim, balance de funk en régional, rock ou rap, porté par la voix fine de Iara Rennó qui donne sa cohérence à l’ensemble. La musique de Iara Rennó joue de la richesse du texte, soulignant notamment la dimension indigène par la référence tupi. Une influence manifeste dans les tenues de l’artiste, osant même, comme Gal Costa en son temps, les seins nus sous les nombreux colliers en référence à l’innocence originelle des femmes indiennes.
Iara Rennó a pu présenter sur scène cette œuvre fantastique, ayant le privilège de se produire au prestigieux théâtre Oficina de Zé Celso pour une version également dansée : Macunaíma no Oficina – Ópera Baile. Un spectacle où le personnage de Macunaíma était interprété par Thalma de Freitas.
En voici deux extraits qui donnent une idée de la diversité de styles traversant l’album…
« Macunaíma »
« Dói Dói »
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* Toutes les citations sont extraites de l’article « Macunaíma » vira música em CD da cantora Iara Rennó » (Folha de São Paulo, 21/03/2008)
bonjour,
j’étais hier au show de Iara.
Compte-rendu sur :
http://blogdomolu.blogspot.fr/2012/07/iara-renno-au-satellite-cafe-250712.html
Elle est vraiment douée et attachante !
A+
Sobrinho
J’ai bien apprécié ton compte-rendu, comme à chaque fois d’ailleurs, c’est une manière de partager avec ceux qui ne pouvaient y assister, moi le premier. Espérons que les Parisiens seront plus nombreux pour son prochain passage…