Après « Então Toma », récompensé de l’award du meilleur clip par les VMB 2011, Emicida ne faillit pas à son style avec « Zica, Vai Là ». On y joue toujours la carte du grand spectacle, toujours la parodie de film de genre. Toujours avec Fred Ouro Preto à la réalisation. Toujours avec la même complaisance (ou fascination) pour la violence. On ne résiste cependant pas à la tentation de partager ce nouveau clip en raison de ses invités prestigieux : Neymar et Gaby Amarantos.
Compère de Criolo, proche de Fióti ou Rael da Rima, Emicida s’est imposé comme une des figures marquantes du nouveau rap de São Paulo. Pour marquer les esprits, il s’est inventé un blase en adéquation à son style*. Ce n’est pas parce que Criolo s’avère un formidable chanteur que tout le monde doit reléguer son flow au second plan. Emicida reste donc fidèle à une certaine orthodoxie du rap. Si tout le hip hop n’est pas obligé d’élargir son horizon musical, on n’est pas non plus obligé d’apprécier celui qui semble toujours rejouer les mêmes poncifs…
Le hip hop s’est construit sur les affrontements en battle. Ici, on est face à une bagarre pour de bon, un combat de kung fu plutôt que de rimes. Doit-on voir y une métaphore de cet art foncièrement agonistique ? J’en doute, le premier degré se suffit à lui-même.
Evidemment dans cet entrepôt où des jeunes gens se pressent au spectacle des coups et y parient leur argent, l’ambiance est chargée de testostérone. La seule femme au milieu de cette assemblée qui réclame « du sang, de la chique et du molard », est la diva da tecnobrega en personne : Gaby Amarantos. Notre « Beyoncé du Para » n’a droit qu’à une brève apparition. Si elle apparaît comme une reine pour laquelle se battraient les prétendants, elle n’a qu’un rôle ingrat qui se limite à afficher son effroi des coups reçus par les combattants (et offrir une vue plongeante sur son décolleté).
Quant à Neymar, le nouveau petit génie du football brésilien, plus surprenant, on le retrouve en maître de kung fu… Plutôt que les vénérables maîtres Po, Shifu ou Sensei (mes seules références en la matière) et leurs moustaches de Fu-Manchu, la particularité de celui-ci est capillaire. Mais, alors qu’il nous avait habitué à une crête de coq alpha aux ergots légers comme le vent, voilà qu’il n’arbore plus qu’une… crête raplapla. Plutôt que la désormais fameuse crête bien gélifiée de Neymar, voici la coupe mulet, comme un banal footeux des années 80 né du mauvais côté du rideau de fer mais qui aurait eu quelque velléité contrariée d’ériger la chose.
Ce qui tient ici lieu de scénario nous montre Emicida, grand échalas maigrichon, entreprendre son initiation pour remplacer un des combattants vaincus…
On sait qu’en matière de goûts musicaux les footballeurs sont rarement fiables. Neymar lui-même est un spécimen en la matière. Il a largement contribué au succès du tube planétaire de Michel Telo, « Ai Se Eu Te Pego », en mimant les pas de danse pour célébrer ses buts. On l’avait aussi croisé récemment dans un autre clip, « Kong » d’Alexandre Pires qui comptait avec la participation de Mr. Catra, une des stars du funk carioca. Autre grosse soupe où des types déguisés en gorilles venaient faire la fête autour d’une piscine entourée de filles en bikini**. Certains chercheront peut-être la métaphore sociale, on se contentera d’y voir une belle accumulation de clichés comme le rap s’en est fait une spécialité et qu’il nous offre , jamais avare, avec une belle constance. Et même Neymar s’amuse ici de lui-même, on préfère le voir réussir des dribbles d’extra-terrestre.
Ici, Maître Neymar enseigne à « Petit Scarabé » Emicida comment se battre, y compris les yeux fermés. Coup de bol parce que son adversaire a eu la fourberie de lui jeter une poignée de sable au visage. Aveuglé, il se souvient du truc et botte le gaillard sans même avoir besoin de le voir. Merci Neymar.
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* Au Brésil, on prononce MC émici… D’où le jeu de mot avec homicida qui s’inscrit dans la longue tradition qui veut que, dans le rap, la force des mots ait la puissance d’une arme…
** Les filles en bikini autour d’une piscine sont un ingrédient aussi indispensable à un clip de rap parvenu que le dentifrice à la prophylaxie dentaire…
Ouille !
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