Au volant de son Combi Volkswagen, Márcia Castro embarque tout son petit monde en virée. Comme un gag des Marx Brothers revisité par Almodovar, c’est bordélique à souhait et d’une bonne humeur contagieuse, que demander de plus à un clip vidéo ? Celui-ci annonce la sortie de De Pés no Chão, son deuxième album lancé il y a quelques semaines.
Márcia Castro une des artistes les plus originales et talentueuses découvertes à Bahia ces dernières années. Pas difficile, me direz-vous… Bahia, berceau des musiques essentielles du Brésil, est une belle endormie et ses artistes indépendants reconnus dans tout le pays des exceptions. Car Márcia Castro est une chanteuse de tempérament qui préfère les marges d’un rock encore bohème aux avenues commerçantes de l’axé et aux périphéries des blocos afros. Clairement plus proche, pour rester dans les jeunes chanteuses bahianaises, d’une Manuela Rodrigues (ou d’une Marcela Bellas) que de sa presque homonyme Mariene de Castro*. Et puis quand on a comme parrain en musique, un iconoclaste comme Tom Zé qui l’a adoptée et invitée à chanter sur son album Estudando a Bossa, on se doute bien qu’on tient là une artiste résolument originale.
Sue De Pés no Chão, Márcia Castro a sélectionné un répertoire que l’on qualifiera de bon goût. Bahianaise comme eux, la filiation est revendiquée avec les Gil, Tom Zé, Caetano et les Novos Baianos. Elle interprète « Crazy Pop Rock » de Gilberto Gil et Jorge Mautner, « Você Gosta » de Tom Zé et Hermes de Aquino, ainsi que deux titres des Novos Baianos. Ces références sont déjà une déclaration d’intention qui la voit incarner une forme de relève, de… néo-post-tropicalisme. Un terme qu’on se pressera d’oublier, faites comme si je n’avais rien dit, mais qui n’est pas non plus complètement insignifiant. Elle s’inscrit dans leur continuité sans chercher à leur ressembler. Des Tropicalistes, on retrouvera chez Márcia ce goût pour s’amuser des catégories esthétiques et du bon goût établi. Elle joue donc le jeu de la ballade sentimentale tout en crescendo émotionnel. Le joue à fond dans cette veine sentimentaliste où la voix ne peut pas tricher mais on soupçonne que, toujours, elle ait un sourire en coin, brega mais avec ironie, brega chic. Elle décrit d’ailleurs son style comme une « provocation ironique » !
Même si Márcia Castro vit désormais, comme tant d’autres artistes, à São Paulo et si elle a beau dire que « la Bahia de ma musique n’est pas nécessairement un rythme mais plutôt une façon de comprendre les choses, de composer, d’arranger et d’avancer. C’est ça la Bahia que je porte« , sa musique retrouve bien quelques couleurs bahianaises : sur « História do Fogo », composé par Otto, où les percussions gonflent les voiles dans la deuxième moitié du morceau ou sur la formidable reprise de « Preta Pretinha », titre culte des Novos Baianos, et mêlé ici à un extrait de « Gererê » du groupe Terra Samba. Une reprise qui brille des arrangements de cuivres de Letieres Leite (Orkestra Rumpilezz) présent sur quatre titres. Riche en participations (on croise notamment Kiko Dinucci et sa guitare sur un « Catedral do Inferno » de Cartola et Hermínio Bello de Carvalho), De Pés no Chão a été produit par Guilherme Kastrup, Rovilson Pascoal et Márcia.
Mais le titre phare de l’album, c’est bel et bien le morceau-titre « De Pés no Chão », une reprise d’une chanson de Rita Lee post-Os Mutantes avec accordéon et trompette. Nulle part ailleurs sur l’album, vous n’aurez une musique ainsi construite autour d’un son de grosse caisse aux limites de l’infra-basse. Et quand on voit le clip, on se dit qu’il n’y manque plus qu’un refrain en « Véwé, Véwé ! Véwé, Véwé !« , comme sur « V W », cette irrésistible chanson publicitaire composée par Franco (Luambo Makiadi) et son OKJazz pour les voitures Volkswagen.
Après Pecadinho en 2007, son premier album, Márcia Castro a pris le temps de mûrir ce nouveau projet et confirmer être une artiste à suivre de la scène indé brésilienne, et pas seulement bahianaise. Avec son tempérament rock et les yeux qui pétillent, Márcia Castro impose une sacrée personnalité.
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* Nous retrouverons très prochainement Mariene de Castro puisque Tabaroinha, son nouvel album sort ce mois-ci…
PS : je voulais faire un publication rapide, un truc bref dont la seule ambition était de partager ce clip réjouissant. Et, une fois de plus, je ne peux pas m’empêcher de carrément faire une chronique de l’album… Mais je suis sympa, je ne pratique pas le terrorisme éditorial : j’ai publié le clip en haut et ne liront la suite que ceux qui le souhaitent…
Et pour ceux qui en redemandent, les textes de Tárik de Souza et Patrica Palumbo…