Brasil

Confessions d’un Alchimiste : Jorge Ben se raconte (2/2)

En 2009, un journaliste de la Revista Trip a coincé Jorge Ben dans un avion. Ils ont voyagé côte-à-côte sur un vol Rio-São Paulo et il a ainsi pu recueillir les propos d’un Jorge Ben pour une fois loquace. Ce serait même, selon Trip, « la plus grande interview de sa carrière« . Un événement donc. Pour son soixante-dixième anniversaire, nous avons voulu lui rendre un bel hommage. En vous proposant notamment la traduction de cet entretien exceptionnel. En voici la seconde partie. Où il parle de ses débuts, de Tim Maia, du football, des femmes… Avant de disparaître dans la nuit…

Jorge Ben gravata florida

Revista Trip : Vous disiez qu’à l’origine vous ne vouliez pas devenir musicien, quand vous en êtes-vous convaincu ?

Jorge Ben : Depuis l’école, je faisais de la musique et j’écrivais des paroles, sans mélodie. Parce que mon père était compositeur, trois musiques de carnaval qu’il avait co-écrites ont été enregistrées. Il avait également des amis du boulot qui faisaient partie de l’école de samba de Salgueiro. Il y a toujours eu de la musique à la maison. Mes parents se sont connus à la Gafieira Elite et ils dansaient beaucoup dans les bals étudiants.

Revista Trip : Du samba ?

Jorge Ben : Du samba, rien que du samba. Mon père était ami avec Ataulfo Alves et avait quelques grands amis musiciens.

Revista Trip : Etes-vous un sambiste, Jorge ?

Jorge Ben : Je fais du très bon samba. Je ne suis pas un sambiste mais je fais du samba, je sais très bien en faire.

Revista Trip : Mais vous ajoutez quelque chose au samba ?

Jorge Ben : Je mélange. « Mas, Que Nada » (1963) était déjà mélangé, non ? J’avais mélangé un peu de samba qui est mêlé à du maracatu (« que é misto de maracatu »).

Revista Trip : Mais à vos débuts, on vous considérait étiez plutôt bossa nova, non ?

Jorge Ben : Bossa nova, non. Les gens ne savaient pas mettre un nom sur ce que je faisais. Samba esquema novo. Nouveau schéma de samba. Je jouais au Beco das Garrafas mais je n’ai jamais joué de la bossa nova. Mon samba était différent, totalement différent, c’est pour ça que Meirelles e Os Copa 5 voulaient jouer avec moi. Je jouais avec eux qui lisaient tous la musique, jouaient super bien alors que moi, je ne savais pas ce que je jouais. Mes harmonies étaient fausses mais elles étaient bonnes.

Revista Trip : Par la suite, vous avez appris à lire la musique ?

Jorge Ben : Par la suite, j’ai appris à leur expliquer ce que je voulais. Aujourd’hui, je peux dire « je veux ça ». Je fréquentais le Beco à partir du moment où on s’était installé à Copacabana, j’étais encore adolescent, j’avais seize ans. Avant, j’habitais à Tijuca. S’installer à Copacabana était un rêve. J’ai déménagé pour un habiter un quartier à moitié traditionnel et d’une modernité incroyable. Les filles se baladaient en bikini, les hommes étaient en short. D’habiter là, à deux rues du Copacabana Palace (rires), j’ai pris un sacré choc. Tout était meilleur à Copacabana, les boucheries, la viande, tout était meilleur. Il y avait une autre ambiance, un autre parfum. Et c’est là que j’ai commencé à fréquenter les Beco das Garafas les dimanches. Ce jour-là, il y avait des jam-sessions avec des musiciens connus. On y allait, ça commençait à cinq heures de l’après-midi et ça durait jusqu’à minuit, mais à huit heures, comme on était mineurs, ils nous disaient : « allez, maintenant tout le monde dehors ».

Jorge Ben en 1969 N:B

Revista Trip : Vous avez côtoyé João Gilberto ?

Jorge Ben : Non, João Gilberto n’a jamais été là. Il y avait Meirelles, le maestro Cipó, rien que des bons musiciens de jazz. João avait déjà enregistré et il était célèbre. Mais il ne jouait qu’en appartement avec son groupe d’amis, Nara Leão, un groupe très sophistiqué.

Revista Trip : Et vous, vous n’avez jamais fait partie de cette bande ?

Jorge Ben : Non, je n’étais pas encore dans la musique.

Revista Trip : Votre bande à vous, c’était Tim Maia, Roberto et Erasmo Carlos ?

Jorge Ben : Je ne faisais pas non plus partie de leur bande. Leur bande, leur premier groupe, c’était Tim Maia, Erasmo et Roberto. Leur groupe s’appelait Sputniks. Ils se sont embrouillés, Roberto a quitté le groupe, puis ensuite Tim est parti pour les Etats-Unis. Tim jouait depuis qu’il était enfant, c’est la première personne que j’ai vu chanté « Bop-a-Lena, Bop-a-Lena », en jouant de la guitare. On est devenus amis plus tard quand je me suis rapproché de la Jovem Guarda. Nous avons fait un voyage avec la marque française de textile Rhodia. Moi, Rita Lee et Tim Maia. Il y avait tous les mannequins et nous, on jouait au milieu des défilés. Un truc hyper-chic.

Revista Trip : Il y a eu une trace de cet événement ?

Jorge Ben : Ah, non, non, à notre époque, l’époque de Tropicália, de Divino, Maravilhoso, on ne filmait pas aussi facilement qu’aujourd’hui. Et ils disaient qu’ils ré-enregistraient des novelas sur les pellicules. Mais, en parlant de Tim Maia, il a lancé un son révolutionnaire. Il avait des phases ludiques, magnifiques, spécifiques. Par exemple, celle du Livre (la période Racional quand il était membre de la secte Universo em Desencanto, ndt). Il l’a suivi, y a cru pour finalement découvrir que rien de tout cela n’était vrai. Ca a été un déception pour lui. Le gars y avait mis toute sa foi avant de le découvrir.

Revista Trip : Oui, ça a dû être terrible pour lui mais ça nous a offert des musiques merveilleuses.

Jorge Ben : Oui, seulement une musique merveilleuse. Il adhéré, il chantait le Livre à la main. Le síndico, o grande síndico, Deus o tenha (Le syndic, le grand syndic, Dieux le garde). Je ne vais pas t’en parler, ni à toi ni à personne mais j’ai gardé quelque chose de lui. Les amis gardent toujours. A n’importe quelle heure, il fallait lui répondre, il t’appelait à trois ou quatre heures du matin. Il y a une chose que je peux te dire : quand il a enregistré le disque avec Os Cariocas, en 1997, il commençait à être content, heureux à quatre heures du matin. Quand le téléphone sonnait, je me réveillais et je savais que c’était lui…

Revista Trip : Il devait savoir que vous seriez réveillé...

Jorge Ben : A l’autre bout, lui, était content : « putain, j’arrive du studio, j’ai enregistré avec Os Cariocas ! ». Il me faisait écouter morceau par morceau et il fallait que je donne une note !

Revista Trip : Une note ? de 0 à 10 ? (rires)

Jorge Ben : « Qu’est-ce que t’en penses, putain ?! », ça déchirait, c’était trop génial.

Revista Trip : Et Roberto et Erasmo Carlos ?

Jorge Ben : Eux, je les connais beaucoup moins. On ne se voyait qu’à l’époque de la Jovem Guarda.

Revista Trip : Mais vous avez écrit deux chansons avec Erasmo Carlos et vous avez habité avec lui ?

Jorge Ben : Je suis resté un peu avec lui à Brooklyn, à l’époque où j’étais allé à São Paulo me présenter dans l’émission Jovem Guarda. C’est à cette époque qu’on a fait « Menina Gata Augusta » (1967), une super chanson (il fredonne) : « menina gata Augusta, menina gata Augusta ». Là-bas, on avait déjà fait (il hésite)… un samba-rock…

Revista Trip : Que vous aviez appelé « Jovem Samba »…

Jorge Ben : Oui, (il fredonne) : « eu sou da jovem samba / a minha linha é de bamba » (« A jovem samba », 1967).

Revista Trip : Et la bande de la MPB s’est mise en colère.

Jorge Ben : Putain de bordel de merde ! Neguinho cassait les disques, ils ont cassé tous mes disques, à la télé, dans ce programme de TV …

Revista Trip : Flávio Cavacanti ?

Jorge Ben : Il les cassait.

Revista Trip : Flávio Cavacanti ?

Jorge Ben : Il les cassait. Il a cassé A Tábua de Esmeralda.

Revista Trip : S’il avait su… Mais il n’y a pas que lui. Elis Regina aussi était très en colère quand vous êtes passé à Jovem Guarda, non ?

Jorge Ben : Tout le monde l’a été. Un type d’aujourd’hui que j’aurais aimé être si j’étais gamin, c’est Max de Castro qui invente tout. Il ne veut rien savoir et il balance de la drum’n’bass, de la guitare. J’ai déjà fait tout ça mais, à l’époque, j’ai souffert de la censure.

Revista Trip : Est-ce que vous aimez le funk carioca ?

Jorge Ben : Celui que je fais moi.

Revista Trip : Et celui d’aujourd’hui ?

Jorge Ben : Non, ce truc, c’est pas du funk…

Revista Trip : Disons que le nom est une liberté poétique…

Jorge Ben : Oui, c’est ça, c’est une liberté poétique. Mais c’est pas du funk. Ils disent que c’est du funk mais ça n’en est pas. Je ne sais même pas si c’est du rythme et de la poésie mais c’est un… Ca pourrait être du R’n’D, du Ritmo & Dança. Mais ce n’est pas ce bon gros funk.

Revista Trip : Le funk, c’est vous ?

Jorge Ben : Non, ce n’est pas que moi, il y en a d’autres qui en font. C’est qu’ici (l’avion atterrit à São Paulo), les gens appellent ça samba-rock. Mais ce n’est pas du samba-rock, c’est un samba différent que les gens dansent comme le rock.

Jorge Ben danse

Revista Trip : Vous avez évoqué Tim, Roberto et Erasmo mais, et Simonal ?

Jorge Ben : Simonal, pfuhh, ça a été le premier à reprendre tous mes succès. Il a été important pour moi. Il me demandait : « T’as quelque chose ? ». « País tropical, « Zazueira ».

Revista Trip : C’est lui qui a inventé le nom « Patropi » ?

Jorge Ben : Non, Patropi existait déjà. J’ai chanté dans un concert à São Paulo, moi et Toquinho. Et il y avait aussi Paulinho da Viola. Mais il n’y avait personne au concert…

Revista Trip : Ce n’était pas cette fois-là qu’il y avait aussi Aracy de Almeida ?

Jorge Ben : Oui, c’était cette fois. Aracy était telle qu’en elle-même. C’est une école de musique, elle a chanté et enregistré Noel Rosa. Elle a travaillé avec Noel et je pense même qu’elle a aussi été son amoureuse. Mais c’était un concert comme ça (rires), où il n’y avait personne, le public n’était pas venu. On chantait deux chansons chacun. Avec Toquinho, on avait fait « Que Maravilha ».

Revista Trip : Une musique sensationnelle mais assez peu connue, c’est « Queremos Guerra ». Pourquoi n’a-t-elle pas marchée ? Pour l’enregistrer, en 1968, il y avait Caetano, Gil et vous-même.

Jorge Ben : Attends, celle du festival (il chantonne) : « Mas só se não fizer sol amanhã/ se chover também eu não vou sair de casa/ eu não estou aqui pra pegar uma gripe danada/ e no fim da semana não poder ver a minha namorada/ guerra, queremos guerra ». C’était pour Phono 73 (un festival où tous les artistes du label Philips étaient réunis), ils ne m’ont pas laissé chanter. Ils nous ont censuré. Ils ont censuré Chico Buarque. Moi, ils m’ont censuré parce que je disais « guerre » : « guerra, queremos guerra ». A cause du mot « guerre ».

(En sortant de l’aéroport, il croise des joueurs de Botafogo avec qui il s’arrête quelques instants pour discuter et signer des autographes)

Revista Trip : Vous êtes toujours amis avec les footballeurs, Ronaldo… ?

Jorge Ben : Non, cette génération, je les connais très peu. Putain, mon gars, Rio est une honte. Deux grandes équipes quasiment reléguées. São Paulo a six ou huit équipes dans le championnat brésilien, Rio n’en a que deux. (Le photographe lui demande qui il supporte). Je supporte seulement Flamengo. Et le Brésil.

Revista Trip : Vous allez toujours au stade ?

Jorge Ben : Oui, j’y vais toujours. J’habitais à côté, on allait à pied au Maracanã. C’était une belle époque, j’étais encore gamin, mon père me donnait quelques pièces. C’était la totale, on y allait tout beau, en sandales et en short. Et là on sautait sur les chaises (rires), comme j’étais mignon, personne ne disait rien. C’était du côté de l’école où j’ai fait ma primaire, à Tijuca. Une période super. Le Maracanã, c’est un vrai spectacle. Tu prends l’ascenseur et quand tu ouvres la porte, mon gars, c’est toujours un spectacle, il y a toujours ce « aaaaah » (il simule le bruit des spectateurs). Et quand le ciel est bleu clair, le dimanche après-midi… Tout est né là, le dimanche après-midi : « Fio maravilha », « País tropical », « Camisa 10 da Gávea »… C’est là que j’ai eu l’idée, j’ai tout vu.

Revista Trip : Vous faites énormément de chansons qui portent des noms de femmes, Domingas (sa femme depuis la fin des années soixante) n’est pas jalouse ?

Jorge Ben : Non, elle savait déjà que c’est mon style de musique, que c’est ce que je dois faire. Elle m’encourage.

JorgeeDomingas

Revista Trip : Ces personnages, Jesualda, Katarina, vous les avez imaginées ?

Jorge Ben : Non, je ne les ai pas inventées. Elles existent toutes. « Jesualda », c’est une vraie histoire, de Copacabana. Jesualda est de ma génération, et ce truc lui est vraiment arrivé (le personnage est une cuisiniere de la Zona Sul qui rencontre un étranger à un arrêt de bus, direction Maracanã et «maintenant attend baby de l’étranger »). Je raconte une histoire, je suis comme un reporter. Et un peu de fiction, c’est bien, alors je mélange les deux.

Revista Trip : Jorge, est-ce que vous avez des musiques inédites, est-ce que vous enregistrez ?

Jorge Ben : Non, non, je n’enregistre pas. Quand j’ai le temps. J’ai demandé à mon fils et il m’a dit : « papa, mes amis n’achètent plus de CD. Plus personne n’en achète ». Machin va sur internet et télécharge…

Revista Trip : Et qu’en pensez vous ?

Jorge Ben : C’est terrible. Maintenant, il faut voir qui s’est trompé… La technologie est si avancée. Quand j’étais au Japon, il y a douze ans, j’ai acheté une puce d’un groupe japonais. C’était une puce, de la taille d’une petite pièce de monnaie. Ils vendent un appareil, comme une espèce de porte-clés, et tu branchais ton casque et ça te balançait un de ces gros sons ! Après, les Etats-Unis ont freiné le truc. Ils ont sorti pour les enfants 4 morceaux de Britney Spears… Bordel de merde, une petite puce, alors le CD va aux oubliettes hein ?

Revista Trip : Etes-vous un rat d’ordinateur ?

Jorge Ben : Non, non. Parce que c’est chiant. J’ai un peu la flemme de rester sur l’ordinateur parce que je dois lire. Lire sur l’ordinateur ? Un livre est bien plus passionnant. Tu lis à l’heure que tu le souhaites et tu n’a pas ce putain d’écran qui te bousille la vue. J’ai besoin de lire, j’ai besoin de jouer, de sortir me promener avec mes chiens – j’ai un vrai chenil ! Je dois faire attention à chacun, les prendre un par un, parce que sinon ils vont devenir jaloux et me mordre. J’ai trois chiens, à commencer par un lhasa apso qui s’appelle Spring. J’ai Kati, qui est un bichon maltais, c’est la plus agressive de tous. Elle est toute petite petite, elle fait la taille de mon tennis. Et j’ai Joaquim qui est un poodle magnifique, tout blanc. Ils vivent tous à Rio. Nous avons signé une autorisation spéciale parce que, normalement, tu ne peux pas avoir de chien en appartement. Tu parles ! En fait, tout le monde en a. Mais là, c’est légal, ils ont autorisé les chiens dans l’immeuble.

Revista Trip : Il y a beaucoup de choses improvisées dans vos concerts, c’est comme si rien n’était écrit…

Jorge Ben : Non, rien n’est planifié. Ca dépend du public, de ses réactions. On joue comme ça et c’est bien. C’est pour que le groupe reste soudé, parce que sinon on resterait à jouer toujours la même musique. par exemple, quand ils attendent qu’on joue « Santa Clara clareou », on en joue une autre…

Revista Trip : Les musiciens doivent vous courir après (rires) ?

Jorge Ben : Ils me courent après.

Revista Trip : Une fois, j’étais venu vous interviewé dans la résidence où vous habitez à Barra, et vous arriviez avec des clubs de golf. Vous y jouez toujours ?

Jorge Ben : J’y ai joué mais je n’ai pas le temps, aussi incroyable que cela paraisse. Tous les tournois qui m’invitent commencent à sept heures du matin et sept heures du matin, c’est trop tôt pour moi, quand j’arrive à la maison, il est déjà cinq heures ! Alors, je joue tout seul, parfois je vais au club Itanhangá, j’en suis membre. Mais là aussi, les parties sont trop tôt, c’est pas bon.

Revista Trip : Quelle est votre opinion sur la situation actuelle de l’industrie phonographique ?

Jorge Ben : On ne vend plus de CDs, c’est pour ça que je te demandais : c’est la faute à qui ?

Revista Trip : Je n’en sais rien, vous avez une hypothèse ?

Jorge Ben : Ah, je me le demande, j’y réfléchis?. A commencer par le fameux Jabá ; Jabá ça à l’air de correspondre à la subordination/corruption). Les chanteurs, les auteurs ne peuvent jamais avoir une radio qui diffusent leur travail. Personne n’a jamais été récompensé. Aujourd’hui, il faut un lobby pour passer à la radio.

Revista Trip : Et cette histoire de plagiat de Rod Stewart qui avait utilisé la mélodie de « Taj Mahal » sur son « Da Ya Think I’m Sexy ? », en 1978, vous l’avez poursuivi, non ?

Jorge Ben : Non, c’est la maison de disques qui l’a fait. Sans que je sois consulté en rien. Ils ont trouvé un accord avec lui.

Ils arrivent à la salle où doit avoir lieu le concert. L’interview s’interrompt. Dix jours plus tard, Pedro Alexandre Sanches répond à l’invitation de Jorge Ben et le retrouve au Corujão da Poesia pour une soirée littéraire.

Revista Trip : (Le reporter lui fait écouter une musique sur son téléphone) Vous les connaissez ?

Jorge Ben : (après quelques secondes) Les Black Eyed Peas.

Revista Trip : Ils ont samplé « Cinco Minutos » (1974) sur « Positivity » en 1998 et nous vous ont pas crédité.

Jorge Ben : (il sourit, sans rien dire, se coiffe)…

jorge ben ben

Revista Trip : Est-ce que parfois vous jouez des morceaux de A Tábua de Esmeralda en concert ?

Jorge Ben : On l’a fait il y a un mois à Campinas… Là, on ne l’a pas fait, on ne l’avait pas répété. Le groupe qui m’accompagne aujourd’hui connaît mieux les morceaux récents. Il faudrait tout répéter avec eux, sinon…

Revista Trip : Savez-vous faire les nœuds de cravate ?

Jorge Ben : Moi ? Non. Jusqu’à aujourd’hui, je ne sais toujours pas les faire. J’ai deux cravates à fleurs, j’en ai trouvé deux mais pas comme je les voulais, avec toutes les fleurs. Une d’elle n’a que des roses.

Il est déjà 3h et demie du matin, Jorge Ben clôt l’interview mais invite le journaliste à partager l’étape suivante. Il l’accompagne dans une boulangerie-snack ouverte la nuit sur Leblon. Le Ben commande de l’eau gazeuse, un café au lait et des tartines beurrées. Et des oeufs au plat.

Revista Trip : Vous n’avez pas de cholestérol ?

Jorge Ben : Non.

Revista Trip : Après les concerts, vous avez cette habitude d’aller boire et manger des trucs « simples » au bistrot du coin, une sorte de troisième mi-temps ?

Jorge Ben : Non, après les concerts, non. Dans la loge, il y a beaucoup de fruits, du fromage et des boissons fraîches de toutes sortes (Jorge ne fume ni ne boit et interdit les boissons alcoolisées dans les loges)

Revista Trip : Qu’est-ce que ça vous fait de savoir que Mano Brown, des Racionais MCs, a baptisé ses enfants Jorge et Domênica (Domênica est une des variantes qu’il utilise dans ses chansons pour évoquer Domingas, sa femme et dont Mano Brown s’est inspirée pour écrire son « Fim de Semana no Parque » (1994) ?

Jorge Ben : Pô, c’est trop, non ? J’ai rencontré Jorginho et Domênica à un concert. C’est à cette occasion que j’ai appris tout ça. On était déjà allés ensemble à un concert de B.B. King. C’est moi qui avais insisté pour qu’il vienne. Ce jour-là, B.B. était particulièrement inspiré, il a tout joué même si parfois il devait s’asseoir. Il fait partie de ces guitaristes qui ne répètent rien, ses solos ne sont pas répétés. Tu sens qu’il va chercher la note, tu le sens.

Revista Trip : Et qu’a pensé Mano Brown du concert ?

Jorge Ben : Il a adoré. Il est fan de Marvin Gaye, il a tous ses disques. Il y a eu ce mythe que le rap devait être un truc de bandit mais ça commence à changer. Aujourd’hui, dans le rap américain, tout le monde est très chic, habillé en Armani. La poésie est déjà plus douce…

Revista Trip : Et vous trouvez ça nul ?

Jorge Ben : Non, très bon parce que jusqu’à maintenant, il y avait cette poésie gangster. Maintenant, c’est plus doux dans le sens où tu sais bien que le type ne va pas aller tuer l’autre. Allez, il faut que j’y aille.

Son repas terminé, Jorge Ben s’enfonce dans la nuit, l’aube est proche.

Encore un grand merci à Cyril qui m’a aidé pour la traduction. Pour ceux qui souhaitent lire la version originale : « O Homem Patropi », Revista Trip n°183 (11/2009)

Votre commentaire

Choisissez une méthode de connexion pour poster votre commentaire:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Image Twitter

Vous commentez à l’aide de votre compte Twitter. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s