Nous l’annoncions alors que nous présentions son album Nó Na Orelha, Criolo était l’artiste à avoir obtenu le plus de nominations (cinq) aux trophées VMB (Video Music Brasil), l’équivalent brésilien des MTV Awards puisque justement organisées par MTV. Le rappeur pauliste était présenté comme la révélation de l’année et il s’avérait prévisible qu’il sorte grand vainqueur de ce palmarès.
C’est hier, 20 octobre, qu’avait lieu la soirée de remise des prix. Et ça n’a pas manqué, Criolo a été récompensé.
Trois fois :
– Révélation de l’année
– Meilleur album de l’année pour Nó Na Orelha
– Meilleure musique de l’année pour « Não Existe Amor em SP »
Félicitations. Pour l’occasion, Caetano Veloso est monté sur scène pour interpréter « Não Existe Amor em SP » en duo avec lui. On doute cependant que Criolo considère cela comme une consécration. Peut-être même était-ce Caetano le plus excité des deux ! Comme on sait combien ce dernier aime à se ressourcer auprès de jeunes artistes, on se dit qu’avec son flair et sa sensibilité habituels, il aurait été plus inspiré de sortir un album live avec Criolo qu’avec Maria Gadú. Mais, bon, ce que j’en dis…
Avec Criolo, c’est plus largement le rap brésilien qui était à l’honneur. Et tout particulièrement celui de São Paulo pour être encore plus précis. Ainsi, dans la catégorie du Meilleur Clip de l’Année, le vainqueur est Emicida pour « Então Toma ». Cela aurait également pu être Criolo, avec le nostalgique « Subirusdoistiozin ». Mais aussi Lurdez da Luz (ex-Mamelo Sound System) qui figurait également dans la liste des nominés pour le clip de « Andei ».
Emicida est un jeune rappeur de São Paulo. Nous l’avons récemment remarqué pour sa participation à l’album de Criolo, puis pour avoir composé avec Mariana Aydar le morceau « Cavaleiro Selvagem », qui figure sur le nouvel album de cette dernière.
On soulignera que ce trophée du meilleur clip occupe une place particulière au sein de ce palmarès puisque des clips, l’organisateur des VMB en diffuse lui-même sur sa propre chaîne de télévision : MTV Brasil ! On comprend donc leur importance pour les artistes. Emicida, par exemple, n’a pas encore sorti d’album, uniquement des mixtapes et des EPs mais il parviendra malgré tout à acquérir une visibilité significative en existant à travers ses vidéo-clips.
Pour cette catégorie, ce n’est pas tant Emicida qui est le lauréat mais plutôt Fred Ouro Preto, le réalisateur du clip. Lequel n’en était pas à sa première collaboration avec Emicida puisqu’il avait déjà dirigé un autre de ses clips, « Triunfo ». Cette fois-ci, il l’a joué grand spectacle. « Então Toma » est la parodie d’une bande-annonce de film d’action imaginaire. Le genre de film où ça cavale, où ça se trimballe avec un flingue, où ça prend en otage… Non que le clip lui-même soit violent, au contraire, il est parodique et s’amuse des codes du genre. Malgré tout, si c’était un vrai film, je le dis tout de go, je n’irai pas le voir… Même pas je le téléchargerais ! Par contre, pour avoir pris la peine de regarder tous les clips en lice, il est assurément celui qui fait le plus « cinéma ». Avec le « Subirusdoistiozin » de Criolo. Il est celui qui donne l’impression d’avoir bénéficié du plus gros budget. Celui qui s’offre quelques guest-stars passées faire un clin d’œil, comme Zeca Baleiro pour ne citer que le plus connu et qu’on n’aperçoit guère qu’une seconde.
On mesure combien, avec son cocktail de violence distanciée, Quentin Tarantino a marqué les esprits. Depuis Pulp Fiction, l’action ne se suffit pas à elle-même, les personnages se doivent d’exprimer tout haut des considérations supposément subtiles sur des sujets futiles. Tout en défouraillant à tout va.
On y retrouvera une fois de plus Criolo, ici comme acteur, dans le rôle du faire-valoir d’Emicida, celui qui écoute ses tirades. L’intérêt de « Então Toma » réside aussi dans ses dialogues. Ainsi, au tout début, Emicida prend à témoin son compère Criolo pour lui expliquer qu’avec les nouvelles technologies et les réseaux sociaux, il ne pouvait plus être lui-même. Il ne pouvait plus être Emicida parce que quelqu’un avait déjà pris ce nom, selon lui une fille qui avait contracté son prénom Emiliana-Apparecida en Emi-Cida.
Pour le reste, on est plus circonspect. Certes, l’exercice de style est brillamment réalisé mais on peut aussi être réticent face à la sempiternelle complaisance du rap face à la violence. Et que dire des mimiques et gestuelles… Emicida est assurément une figure d’avenir du rap de São Paulo, il lui reste cependant du chemin à parcourir avant de s’affranchir des clichés du genre…
Hélas…