De ces trois figures historiques du samba, Paulinho da Viola est le seul à être encore parmi nous. Et dès lors qu’il s’agit de l’évoquer, un trait de son caractère mérite d’être relevé, son incroyable modestie. Une tendance à se mettre en retrait pour mieux valoriser ses partenaires. Il a trouvé en Teresa Cristina une digne héritière qui partage avec lui ce trait de caractère, cette délicatesse.
Teresa Cristina a commencé sa carrière en chantant dans les bars de Lapa, quartier bohème de Rio. Si son premier projet artistique fut de chanter Candeia (décidément, me direz-vous si vous passez par ici régulièrement !) car c’est à travers son engagement qu’elle pris conscience que « black is beautiful« , ce qui lui permit de mieux se révéler à elle-même et dépasser les préjugés encore en vigueur dans ce Brésil de toutes les couleurs, son premier album fut dédié à l’œuvre de Paulinho da Viola.
Accompagnée de son groupe Semente, Teresa Cristina s’imposait comme une figure majeure du renouveau du samba, fidèle à la tradition sans être passéiste. En 2002, le double album A Música de Paulinho da Viola a fait d’elle la révélation du genre, élue meilleure chanteuse de samba de l’année. Ce disque de reprise a permis de redécouvrir un répertoire essentiel du samba (et de la musique brésilienne tout court) alors que les albums originaux de Paulinho da Viola n’étaient plus guère en vogue. Par nos temps d’apparence et de superficialité, il faut aussi dire qu’avec son look de vieux, type chemise aux tons pastel, il n’y a pas non plus mis du sien pour paraître au goût du jour. Ce qui est tout à son honneur.
« Je l’ai toujours beaucoup admiré, il a toujours été très présent dans mon répertoire. Paulinho da Viola est une personne appréciée de tous, où qu’il aille tout le monde va l’acclamer. Il est portelense, supporter du Vasco… ça nous fait beaucoup de choses en commun. Ces dernières années, il a traversé quelques épreuves et enregistrer ce disque a renforcé son importance dans la musique brésilienne. Peu d’artistes ont repris ses chansons et cela lui faisait penser que ses musiques n’étaient pas faites pour d’autres interprètes. Je suis doublement heureuse : d’abord parce qu’il a bien aimé mon disque et parce ça lui a fait réaliser que ses musiques conviennent à d’autres interprètes. D’ailleurs, je ne comprends pas pourquoi on ne lui a pas encore consacré un songbook« .
En retour, elle a été adoubée de la plus belle manière par Paulinho da Viola qui lui tressait ce joli compliment : « elle est une figure jeune et captivante, une excellente chanteuse de samba. On a justement besoin d’artiste comme elle car, aujourd’hui, il n’y a plus grand monde qui sache interpréter le samba comme elle« . Alors, on pourra bien jouer les puristes en objectant que ses reprises n’atteignent pas tout à fait la richesse des originaux, leurs mille nuances et petites subtilités, il n’empêche l’hommage de Teresa Cristina est une magnifique réussite. Fidèle dans l’esprit, retrouvant l’humeur de ces compositions, indémodables comme autant de standards.
Depuis ses débuts, Teresa Cristina a pris de l’assurance. Elle qui était toute timide sur scène et chantait les yeux fermés, s’y montre plus à l’aise et détendue. Pour avoir commencé tardivement sa carrière artistique, elle s’amuse d’être toujours considérée comme une « nouvelle artiste » : « le terme ‘nouveau’, quand on a quarante-deux ans est merveilleux« .
Rappelons que Marisa, grâce à son incroyable notoriété, a largement contribué à diffuser le répertoire de Paulinho da Viola, reprenant un de ses titres sur pratiquement chacun de ses albums. Elles sont donc ses deux plus belles héritières. Les deux femmes se connaissent depuis longtemps et leur admiration semble réciproque. Marisa Monte dit ainsi de Teresa Cristina : « elle est merveilleuse. C’est une vraie dévote du samba, qui va aux racines et y consacre des recherches. C’est une artiste intègre, une interprète sans affectation. L’exemple d’une histoire authentique« .